Chapitre 18 Varna

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1957, 13 avril

La bâtisse avait l'air abandonnée. La végétation avait envahi tout l'espace laissé ouvert. Des buissons de ronces s'échappaient des fenêtres dont les carreaux avaient été brisés des dizaines d'années auparavant, se répandaient à l'extérieur formant des masses compactes de branches épineuses. La toiture s'était effondrée laissant la place aux frondaisons des arbres qui avaient poussé depuis les lattes disjointes du parquet. La seule tache de couleur dans cet océan de vert provenait des corolles jaune d'or d'un volubile millepertuis qui rampait en vague sur le carrelage de l'entrée. Mais cet éclat impromptu ne parvenait pas à égayer l'aspect sinistre de l'ensemble qu'un ciel de plomb accentuait.

Paulina et Brune étaient arrivée par un petit chemin serpentant à travers l'exubérante végétation qui environnait les lieux. Brune s'était demandé quel genre de sorcière pouvait bien vivre là. Car personne d'autre n'aurait pu avoir une maison dans un endroit pareil.

— Tu crois qu'on va voir des lutins ? demanda-t-elle en frissonnant de froid.

— Des lutins ? Je ne crois pas. Ils préfèrent la nuit. Et puis, nous avons dû les effrayer. Non, ici, vit une belle dame. Belle et puissante. Une belle dame qui aime se cacher.

La petite fille sembla contrariée de la réponse de Paulina, mais n'ajouta rien, même si elle trouvait l'endroit repoussant et inhospitalier.

— Bien ! Je ne peux pas briser les enchantements qui protègent l'entrée de sa demeure mais je peux encore frapper à la porte n'est-ce pas ? Dit Paulina avant de déposer Brune au sol et de s'avancer dans l'herbe haute qui ondulait devant les ruines.

Alors qu'elle lançait un appel mental à celle qui se dissimulait en ces lieux, l'enfant disparut ne laissant que quelques touffes d'herbes piétinées là où elle s'était tenue.

— Qu'avons-nous-là ? Demanda une voix mélodieuse dans le dos de Brune.

La petite fille était stupéfaite. Elle se trouvait dans une vaste pièce lumineuse et chaude où de confortables fauteuils entouraient une petite table basse en bois roux posé sur un tapis bariolé et moelleux. De grande fenêtres faisaient face à la mer, offrant un spectacle hypnotisant en cette journée de mauvais temps.

Une femme aux yeux rieurs apparue dans son champ de vision. Habillée d'une longue robe verte aux reflets miroitants dont le décolleté laissait émerger un cou gracieux et fin, les pieds nus aux ongles soigneusement peints de rouge, une chevelure auburn élégamment tressé posée sur son épaule gauche, elle se pencha vers l'enfant pour lui offrir son visage charmant. Alors Brune put nettement distinguer les paillettes d'or qui constellaient ses iris aussi vertes que sa robe. Cette femme fascina immédiatement la petite fille.

— En voilà une petite princesse bien mal en point, s'exclama la femme en se redressant.

Brune ne pouvait qu'approuver. Toutes sa petite personne était humide et sale. La jolie robe bleue aux broderies blanches qu'elle avait été ravie de mettre le matin même, était en piteux état. Son manteau de lainage crème était d'une saleté repoussante. Ses souliers vernis étaient recouverts d'une couche de boue conséquente. Elle eut un peu honte en voyant les marques qu'elle allait laisser sur le parquet si luisant de l'inconnue.

— Je crois qu'il va falloir arranger ça avant l'arrivée de nos autres invités.

Incapable d'émettre un son, Brune hocha la tête, prit la main que la belle femme lui tendait amicalement et la suivit.

Quand Pàl déposa Adela au sol, elle tituba loin de lui et se plia en deux pour vomir en hoquetant. Elle ne remarqua Paulina qui arpentait le terrain devant les ruines en pestant qu'au moment où Pàl, blême, se tournait vers elle. Paulina attaqua bille en tête :

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