Chapitre 15 Le danger tapi dans leur ombre

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1957, 13 avril

La gare était bondée comme à son habitude. Beaucoup de costumes et de chapeaux. Beaucoup de bruits et de courants d'air. Beaucoup de possibilité d'attaques. Les diogonos encadraient Adela et Brune avec autorité. Prise en étau, la Letiferus s'exposait peu, pourtant, la menace planait. Et Pàl enrageait.

Dès le départ, il avait été contre cette idée. Adela Prat était trop malade, et la détermination de leurs ennemis bien plus grande encore. Risquer un tel voyage était une pure folie. Surtout à cause d'une enfant. Une enfant qui n'aurait dû avoir aucune importance à leurs yeux.

Brune n'était pas l'héritière tant espérée. Tout au plus aurait-elle pu servir de levier pour s'assurer une obéissance absolue du Letiferus. C'était là, la seule raison qu'aurait pu trouver Pàl pour se préoccuper d'elle. Mais ses « cousins » avaient vu les choses autrement. Surtout Paulina qui semblait subjuguée par l'enfant. Abner et Titus, eux étaient totalement indifférents. Tout comme Gita. Quant à Hendry... Hendry avait, quant à lui, une attitude des plus mystérieuses. Il semblait attendre quelque chose et en même temps le redouter profondément. Ce qui l'amenait, d'après Pàl, à beaucoup trop réfléchir.

Résultat, la demande d'Adela de ramener l'enfant auprès de sa famille avait été approuvée par une majorité contre lui. Pàl était furieux, mais c'est ainsi que fonctionnait le Clan. Depuis toujours. Et même s'il était convaincu de l'erreur monumentale qu'ils étaient tous en train de commettre, il se pliait à cette décision. À lui de faire en sorte, maintenant, que personne n'en paie le prix, car ils allaient fatalement rencontrer des obstacles.

Le premier apparut peu de temps après leur arrivée à la gare. Un brusque mouvement de foule sur leur gauche précéda les hurlements. Pàl fraya un passage au groupe avec une certaine aisance jusqu'à une porte latérale qui menait, après un long couloir, à une sortie secondaire. Le diogonos s'empressa de pratiquer un passage dans la clôture qui les séparait des quais et des voies. Titus surveillait leurs arrières pendant que Paulina sondait les alentours pour détecter toutes pensées parasites. Adela jetait des coups d'œil inquiet autour d'eux. Les attaques des sorciers pouvaient se faire à distance. Elle en savait quelque chose.

Ils atteignirent rapidement le bon quai en passant par les voies sous l'œil surpris, voire scandalisé, de certains voyageurs. Jusqu'à ce que l'attention de tous ne soit monopolisée par un flot de gens affolés, se déversant du hall en criant et gesticulant pour échapper à une menace que personne ne distinguait exactement. Les trains à quai furent pris d'assaut par les voyageurs en attente, quand bien même la destination n'était pas la bonne.

Diogonos et Letiferus se fondirent dans la masse avec d'autant plus de facilité que trois d'entre eux possédaient une force hors norme qui leur permettait de dégager le passage sans état d'âme. Une fois assis dans un compartiment. Pàl et Titus demeurèrent sur leur garde jusqu'à ce que le train s'ébranle et quitte la gare encore en effervescence.

Pàl pensa alors brièvement que ça avait été trop facile. Soit l'attaque avait été mal préparée, ce qui était possible puisque les sorciers avaient dû revoir leur plan de manière précipitée après la perte de certains d'entre eux à Cramond, soit l'attaque n'avait été qu'un stratagème pour endormir la méfiance des diogonos en vue d'une opération de plus grande envergure. Pàl ne sous-estimait jamais ses adversaires. C'était sans doute une des raisons qui faisait qu'il était encore en vie après tous ces siècles d'existence dans un monde violent et sans pitié. Il confia donc la défense du compartiment à Titus et décida d'arpenter le train.

Alors que toutes les attentions étaient tournées vers ce qui se passait dans la gare, deux silhouettes sortirent de l'ombre d'un escalier et fixèrent le train qui s'éloignait. Elles s'étaient tenues là sans broncher, même quand les créatures étaient passées en courant près d'elles. Les diogonos avaient fait ce que l'on attendait d'eux. Maintenant, ils étaient piégés dans un engin de métal dont leurs protégées ne sortiraient pas vivantes.

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