Chapitre 40 Le sang qui abreuve les champs de bataille

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1957, 20 avril

Comme Hendry. Comme Titus et Abner. Pàl n'était plus que fureur et sang. Tout au long de sa vie, il s'était battu vaillamment ou avec frénésie. Il avait utilisé toutes sortes d'armes et tué toutes sortes d'êtres vivants. Pourtant, il devait bien le reconnaître, il n'avait combattu les siens qu'en de très rares occasions et rarement en aussi grand nombre.

Ses adversaires étaient très bien entraînés et n'avaient qu'un but : sa mort. S'il avait été seul, il n'aurait pas donné cher de sa peau. Mais il n'était pas seul. Les jumeaux étaient entrés dans une frénésie qu'il ne leur connaissait pas. Le désespoir et la conviction de punir l'injustice faite à Gita, et à Akitaka avant elle, les animait d'une force nouvelle et effrayante. Leur gémellité avait toujours été un atout durant le combat. Ici, elle était une puissante capacité à contrer et à riposter. Ils étaient un.

Hendry de son côté se battait à sa manière : avec ruse et stratégie. Il exploitait les points faibles de ses ennemis et frappait aussi rapidement que possible. Il n'utiliserait son pouvoir qu'en dernier recours. Il n'avait pas le choix. Il lui demandait trop d'effort pour être exploité de manière efficace au combat. Il le laisserait épuisé et à la merci de ses adversaires s'il en usait dès à présent.

Pàl non plus ne pouvait tirer profit de son incroyable capacité. Il aurait pu tenter de persuader un ennemi de se retourner contre son propre camp mais pas en l'état actuel des choses. Ils étaient trop nombreux à attaquer. Se disperser aurait été contre-productif. Alors, il était redevenu le guerrier d'autrefois. La seule chose qui changeait était qu'il ne combattait plus seulement pour sa vie. Il devait protéger son clan. Son clan et Adela Prat.

Sargon étant toujours présent sur le champ de bataille, Pàl en avait déduit avec satisfaction que Byrne avait mis la jeune femme en lieu sûr. Du moins l'espérait-il. Aucune fuite n'était possible. Leurs adversaires étaient trop nombreux, trop féroces. Le cottage n'offrait aucun abri valable. Il fallait se battre, et ce jusqu'à la mort.

Puis, soudain, la terre gronda. Comme devenue vivante, l'herbe sous leurs pieds se mit à grouiller, à onduler, à ramper. Les diogonos s'écartèrent les uns des autres, surpris, attentifs à la nouvelle menace qui apparaissait d'on ne sait où. Ce bref instant de répit permit à Pàl de s'écarter des trois diogonos contre lesquels il se battait. En reculant, il fut choqué de voir Titus gisant dans son sang sur le chemin à quelques mètres de lui. Abner, hurlant, gesticulant, tentait d'échapper à ses bourreaux pour le rejoindre. Le regard halluciné du jumeau orphelin déchira le cœur de Pàl, lui offrant un regain de force. Qu'importait ce qui surgirait des entrailles de la terre, il se prépara à rejoindre Abner. Mais une main le retint. Hendry l'avait rejoint. Il vit dans son regard que le combat était perdu ; que les jumeaux étaient perdus. Pàl résista encore un bref instant. Il était difficile d'abandonner ses compagnons. Encore plus difficile de les voir se faire exécuter sans broncher.

Au moment où Hendry l'entraînait vers la porte du cottage, des pattes griffues se mirent à s'extraire de la terre sous les regards incrédules de leurs ennemis. Eux ne se posèrent pas de questions. Ils fermèrent la porte et se précipitèrent vers l'arrière du bâtiment, convaincus qu'ils n'auraient que peu de temps pour fuir. Ils butèrent alors sur les deux corps emmaillotés de toile qui gisaient devant la porte du salon.

***

Aloïs vit les Trovers s'extraire de la terre et se jeter sur les premières proies à leur portée. Elle sourit. Ça faisait bien longtemps qu'elle n'avait vu de telles créatures. Elle ignorait même qu'il en exista encore. Elle pensait que leur habitat avait été ravagé par les hommes depuis des siècles. Peut-être s'étaient-ils simplement enfoncés plus profondément ?

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