Chapitre 42 Prison

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1957, 21 avril

Paulina se laissa tomber sur le banc fixé au mur de leur cachot, car bien qu'il y eût un lit, un fauteuil, il s'agissait bien d'un cachot. On les y avait mené dès leur arrivée à Vaucluse, après qu'on les eut faites sortir des cercueils dans lesquels elles avaient voyagé. On leur avait fourni de l'eau et un peu de nourriture, mais rien qui puisse satisfaire une enfant de cet âge et une diogonos qui ne tarderait pas à être affamée. Heureusement pour Brune, Paulina savait se contrôler. Elle avait subi des privations bien plus longues.

Agenor avait-il reçu l'ordre de la mettre à l'épreuve ? Ou pire, avait-il reçu l'ordre de laisser l'enfant avec elle pour qu'elle s'en nourrisse ? Paulina frissonna. Sargon savait-il seulement ce qu'il faisait ? Ignorait-il réellement l'importance de Brune ? Ses capacités ? Pourtant dans les brumes qui la maintenaient inertes lorsqu'ils l'avaient capturée, elle avait clairement entendu l'intérêt que le Maître portait à l'enfant. Elle n'avait pas d'explication. Pour le moment.

L'enfant s'était blottie dans le fauteuil, prétextant que le lit était déjà habité. « Déjà habité ». Paulina n'avait pas relevé l'expression employée par Brune. La petite avait indéniablement un don pour ressentir les choses invisibles. Cette capacité pouvait se révéler un atout comme un handicap, car si elle lui permettait de voir l'immatériel, elle la soumettait également à un flux constant de sentiments qui ne lui appartenaient pas. Or, brune n'avait que 6 ans. Elle était incapable de gérer la situation seule.

Paulina l'aidait autant qu'elle le pouvait, mais 'enfant perdait parfois pieds. Ce qui effrayait le plus la diogonos était sans nul doute les sortes de transes dans lesquelles Brune se perdait. Paulina craignait qu'elle ne puisse en revenir. En cet instant précis, par exemple, où était Brune ? Plongée dans un sommeil réparateur ? Ou déjà perdue dans l'autre face du monde ?

Brune se tenait bien tranquille au milieu du champ de fleurs fanées, comme le lui avait demandé Etha. Elle ne bougeait pas d'un cil, même si l'envie ne lui en manquait pas.

Ce qui se déroulait devant ses yeux d'enfant était si fascinant. Des âmes anciennes cheminaient dans un silence feutré à travers les limbes. Elles n'étaient pas si nombreuses mais leur aura était chargée de souvenirs si nombreux, si denses, qu'elles semblaient nimbées de lumière. Chacune se dirigeait vers deux des portails qui apparaissaient dans les limbes, immenses portes de pierre. Les âmes perdues qui rodaient n'osaient s'approcher comme si elle avait eu peur de rester accrochée à ces êtres dont certains avaient à coup sûr côtoyé des dieux ou au moins leurs enfants.

Brune trouvait triste de perdre ces êtres d'exception. Elle se demandait ce qui avait provoqué leur mort quand Etha était apparue près d'elle. La jeune sorcière était différente. Un infime changement qui la rendait soudain terne. Son joli visage juvénile marqué par une tristesse sans nom, elle s'était penchée vers Brune pour lui dire de partir. C'était un adieu.

Etha avait ensuite rejoint une femme qui se tenait immobile sur le chemin. Puis, toutes deux avaient suivi les âmes anciennes sans un mot, éclairée de leur halo de souvenir. Tout c'était passé si vite que Brune n'avait pas réagi immédiatement. Plusieurs fois déjà Etha lui avait dit de partir pour ne pas revenir. À chaque fois, elle avait désobéi. Mais cette fois, c'était différent.

L'enfant se précipita vers les deux femmes qui s'éloignaient. Elle n'était pas au mieux de sa forme. Elle avait beaucoup trop dormi ces derniers temps. Et puis, elle avait faim. Pourtant, elle ne s'arrêta qu'après les avoir rejointes. Alors dans son langage d'enfant, elle avait supplié Etha de ne pas passer le portail qui maintenant se dressait devant elles. La laisser le franchir, c'était la perdre. Or, Brune ne voulait pas perdre Etha. La jeune sorcière ne lui répondait rien. Perdue.

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