1957, 13 avril
De nouveau, le ciel de lit cramoisi, ce parfum léger de fleur d'oranger et de vanille. Adela avait-elle imaginé tout ce qui lui était arrivé dans un délire médicamenteux ? Avait-elle simplement cauchemardé à cause de la douleur ?
Se redressant légèrement en grimaçant de sentir chacun de ses muscles tendus, raidis par l'effort, la jeune femme obtint une réponse immédiate. De larges taches brunes maculaient ses vêtements et sa peau. Elle toucha son cou et son visage et sentit sous ses doigts de petites plaques sèches et rugueuses.
Un tremblement irrépressible s'empara d'abord de ses mains, puis de tout son corps. Elle enroula ses bras autour de ses genoux et se recroquevilla. Elle avait envie de hurler, mais la peur la retenait. Il lui fallait fuir au plus vite cet endroit. Ces gens. Il lui fallait fuir, oui, mais pas avant d'avoir retrouvé Brune.
Elle se leva précipitamment et manqua de s'effondrer sur le tapis. Son corps malade regimbait, contrarié du rythme qu'elle lui imposait depuis la veille. Épuisé, à bout de force, il ne pourrait pas continuer ainsi très longtemps, elle en était parfaitement consciente. Pourtant, une fois de plus, elle n'avait pas le choix.
Mais, comment pourrait-elle sauver qui que ce soit dans l'état où elle était ? À genoux près du lit, elle se retint à grand peine de pleurer. Il n'était pas temps de s'apitoyer sur son sort. Pas encore. Peut-être jamais. Il lui fallait reprendre des forces. Réfléchir à un plan. Elle frappa de rage le bord du lit avant d'y prendre appui pour se relever, lentement cette fois.
La chambre était la même qu'à son premier réveil. Les rideaux ouverts laissaient tomber la faible luminosité d'un petit matin brumeux sur les fins liserés d'or de la tapisserie crème. Les tapis qui couvraient çà et là un beau plancher ciré, portait la marque d'une usure toute relative, témoignant de la faible utilisation des lieux. Le lit, imposant avec son lourd baldaquin de bois sombre et ses tentures de velours, partageait l'espace avec deux fauteuils recouverts du même tissus, un secrétaire et une coiffeuse pourvus de chaises, et un paravent peint d'or et de bronze.
Adela remarqua une porte discrètement soustraite aux regards par ce dernier élément. Elle l'ouvrit pour découvrir un petit cabinet de toilette faïencé de blanc : Un cabinet d'aisance, une douche, un simple lavabo surmonté d'un miroir sobre, fonctionnel, un porte-serviette, un tapis de bain et sur un tabouret, une pile de vêtements.
C'était là tout ce qu'il lui fallait pour tenter de reprendre un peu une apparence normale. Elle se déshabilla prestement et fit couler l'eau brûlante sur sa peau et ses cheveux avec un soupir de satisfaction. Déjà, elle se sentait mieux. Ses muscles crispés semblaient s'assouplir sous l'effet de la chaleur.
Une fois, la sensation de bien-être installée, elle se mit en devoir de faire disparaître chaque tache de sang avec une certaine frénésie, frottant sa peau plus que nécessaire. Elle fixait l'eau teintée de rose s'évacuer à ses pieds, l'esprit angoissé. Elle ne s'attarda pas. Nue devant le miroir, elle contempla avec un certain effroi le nombre important de bleus apparus sur son torse et ses bras. Elle en toucha un du bout des doigts et grimaça.
Son esprit, confus, tentait de remettre de l'ordre dans ce qu'elle avait vu et entendu ; de tout mettre en perspective. Elle était dans un entre-deux cherchant des moyens de réconfort dans une situation qui n'en avait pas, s'obligeant à trouver du rationnel dans ce qui n'avait aucun sens. Sa perception avait dû être altérée, car rien de tout ce qu'elle avait vécu ne pouvait être réel ! Elle ne voyait qu'une solution logique : elle avait été droguée. Mais le sang ? Le sang demeurait un mystère. Pour le moment. Mais elle entendait bien obtenir une réponse convenable. Une réponse cohérente.
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DEVOLATUS
Paranormal1957. Adela va mourir. Elle n'a pas 30 ans. Elle va laisser un mari qu'elle aime et une petite-fille qu'elle a promis de protéger. Elle est dévastée, mais n'a pas le temps de se perdre dans sa douleur. Le destin ou le sort en a décidé autrement. Par...