Chapitre 31 La mort aux trousses

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1957, 16 avril

Le silence assourdissant qui l'environnait lui fit rouvrir les yeux. Plus de hurlements. Plus de sang. Plus de fumée, ni d'odeur de bois brûlé. Plus de morts. Plus de diogonos.

Isha O'Leary était sur le perron de la maison de Sir Fergusson. De nouveau. Seule ou presque. Un jeune sorcier la dévisageait avec incrédulité. Il tenait une pile de livres en équilibre qu'il s'apprêtait sans doute à expédier à la Cour d'Irlande.

Riordan. Le sorcier Paul Riordan lui avait sauvé la vie en utilisant un sort de téléportation sur elle. Il avait dû utiliser toute la puissance qu'il lui restait pour y parvenir. Faire voyager des livres avec un tel sort n'avait pas grand-chose à voir en termes de ressources magiques avec faire voyager une personne. Il était sans doute déjà mort. Il s'était sacrifié pour qu'elle vive. Elle en aurait pleuré si elle en avait eu le temps, mais ça n'était pas le cas. Fergusson était mort lui aussi, et les diogonos n'allaient pas s'arrêter là. C'était certain. Leur prochaine étape serait ici, à la Cour d'Écosse.

Isha entra précipitamment dans la maison, dépassant les quelques sorciers qui s'y trouvaient. Elle leur cria que leur souverain était mort, qu'ils devaient fuir au plus vite, se mettre à l'abri. Et surtout, ils devaient prévenir le plus de sorciers possibles.

Personne ne contesta. Personne ne l'arrêta.

Elle entra précipitamment dans la chambre où Etha avait été déposée. La jeune sorcière reposait paisiblement sur les draps du lit comme une jeune vierge prête pour un sacrifice. Isha tomba à genoux près d'elle. Émue par les événements qu'elle venait de vivre et par ce qu'elle allait dire, elle caressa tendrement les cheveux de la jeune fille.

– Etha. Ma voyageuse. Tu m'as sauvé une fois déjà. Je n'aurai jamais assez de mot pour te remercier. Et pourtant, j'ai de nouveau besoin de toi. Je dois te demander un service. Un énorme service. Ce sera dangereux pour toi, mais je n'ai pas le choix car nous sommes tous en danger. Tous. Il faut nous éloigner de cette île. Nous devons rentrez chez nous au plus vite. Je sais que je te demande beaucoup. Je le sais, finit-elle dans un murmure en posant son front sur la main froide de la jeune sorcière.

Un léger effleurement. Isha releva le visage. Etha avait ouvert les yeux. Son front plissé révélait la lutte qui se jouait en elle.

– Pourquoi ?

– La colère des créatures est sur nous.

– Ils veulent se venger de ce qu'a fait Aloïs ?

– Non. De ce que nous avons fait, Fergusson et moi. Quand nous avons appris la venue de membres de la Confrérie au manoir, nous avons craint le pire. Nous avons décidé d'agir. L'attaque a été extrêmement rapide et personne ne s'est échappé sauf l'un des diogonos de la Confrérie. Fergusson a ordonné de mettre le feu au bâtiment, convaincu que le clan se cachait quelque part à l'intérieur. J'avais, pour ma part, décidé de sauver les livres de leur bibliothèque. Nous pensions... peu importe ce que nous pensions. Nous avons eu tort.

– Les créatures sont vivantes.

– Vivantes et en colère. Elles ont tué Fergusson.

Etha se crispa brusquement. Son souffle à peine audible se mua en halètements. Elle semblait souffrir.

– Etha ?

– Aloïs lutte de toutes ses forces. Ces nouvelles la rendent folles.

– Mon dieu, Etha qu'allons-nous faire ?

La jeune sorcière soupira. Son corps se détendit. Puis aussi brusquement que quelques instants auparavant, son visage se crispa sur une grimace effrayante empreinte de colère et de souffrance. Isha ne l'avait jamais vu ainsi.

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