Chapitre 23 Retour à Paris

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1957, 15 avril

Le voyage vers la France avait été chaotique. Les relations tendues entre Pàl et Varna compliquaient les choses. Pourtant, le diogonos n'avait pas tenté de protester lorsque la banshee avait décidé de venir avec eux. À quoi bon. C'était inutile de toute façon. La tenir à l'écart aurait demandé beaucoup trop d'énergie et lui avait semblé plus risqué. Au moins, dans ces conditions, il pouvait la surveiller. Ils avaient donc emprunté la voiture de Varna pour atteindre Douvres. Prendre l'avion leur avait paru trop risqué. Pas assez de passagers. Une trop grande visibilité. Ils avaient donc embarqué sur un bateau malgré la mer démontée et les vents furieux.

Adela avait passé la traversée enfermée dans les toilettes, à tenter de contenir ce qu'elle avait ingéré le matin même. Paulina était restée aux côtés de Brune pour la rassurer et la distraire des disputes incessantes de Pàl et Varna. Le dernier sujet qui animait leur discussion se révéla être leur désaccord sur le meilleur moyen de rallier Paris depuis Calais. Finalement, ce fut Brune qui trancha en se mettant à pleurer lorsqu'elle vit le train dans lequel on voulait la faire monter. Après tout, ça n'était qu'une toute petite fille. On ne pouvait pas décemment lui demander d'oublier aussi rapidement le traumatisme du précédent voyage.

Varna se chargea avec beaucoup d'enthousiasme de trouver un véhicule. Elle adorait conduire de grosses cylindrées, ce qui pouvait paraître insensé aux yeux de quelqu'un comme Pàl qui connaissait l'étendue de ses capacités. Elle pouvait voler, bon sang ! Mais le diogonos n'était pas au bout de ses surprises. Varna revint au volant d'un cabriolet Frégate rouge et noir.

— Tu n'as rien trouvé de plus voyant ?

— Si, mais il n'y avait pas assez de place pour tout le monde, répondit-elle du tac-au-tac en souriant.

Il grogna d'agacement avant de s'asseoir sur le siège passager, tandis qu'Adela, Paulina et Brune s'installaient tant bien que mal à l'arrière. Il était convenu que Titus repartirait vers l'Écosse dès la frontière passée. Pàl craignait que les sorciers ne soient en train d'assiéger le manoir pour s'emparer du Devolatus. Titus serait un atout non négligeable pour Hendry. D'autant plus que quand son frère était dans les parages, Abner combattait plus efficacement.

Adela, affalée contre la vitre arrière, se laissait ballotter sans broncher. La douleur ne lui laissait aucun répit, et elle n'avait plus rien pour la soulager. Ils avaient perdu les bagages dans l'accident ferroviaire. Elle n'avait pu sauver que ce qu'elle transportait sur elle. Ses papiers d'identité, son passeport et un malheureux tube de cachets qui n'avait pas fait long feu.

Elle n'était plus qu'une petite chose froissée et crispée, incapable d'aligner deux phrases cohérentes, qui avait besoin d'un sommeil réparateur et d'une bonne dose d'antalgique, choses qu'elle trouverait sans conteste dans la capitale. Pourtant, elle ne se sentait pas soulagée de se diriger vers Paris. Car cela voulait aussi dire s'approcher irrémédiablement du moment où il faudrait quitter Brune.

La petite fille était blottie dans son giron. Elle somnolait, le pouce dans sa bouche. De sa main droite, elle caressait inconsciemment un bout de la jupe de Paulina qui, elle, regardait fixement la route. Adela était heureuse que Brune se soit attachée à la diogonos. Même si la présence de cette créature à ses côtés ne lui permettrait pas de s'affranchir de ce monde auquel appartenait désormais Adela. Un jour ou l'autre, l'enfant deviendrait assez grande et autonome pour s'émanciper. Alors, la vie redeviendrait enfin normale. L'étrange voyage en Écosse ne serait plus qu'un vague souvenir dont Brune extrairait sa propre mythologie. Elle avancerait, égale à ceux qui la fréquenteraient. C'était tout ce que désirait Adela. En attendant, elle pouvait compter sur Paulina pour la protéger.

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