1957, 14 avril
La soirée commençait à peine. Malgré l'inquiétude des heures précédentes, et la tension qui régnait dans le manoir Mac Donald, Abner ne se sentait pas fatigué. Un diogonos l'était rarement. Mais une lassitude pouvait survenir et émousser les sens. C'est pourquoi, il accepta la relève comme un soulagement. Au bout d'une si longue période à fixer le même objectif, on finissait toujours par ne plus voir ce que l'on surveillait.
Il n'aurait pas apprécié être celui qui aurait manqué de sonner l'alarme. L'enjeu était trop important. L'ennemi jouait avec leur nerf, en tardant à attaquer, il fallait continuer à être concentré, efficace. Ils n'étaient pas assez nombreux pour se permettre d'être laxiste.
Il trouva Gita dans le salon, qui cherchait une parade à la stratégie déployée sur l'échiquier par Hendry, juste avant qu'il ne relève Abner de sa garde. À un autre moment, le jeune homme aurait pu sourire devant le petit minois fin et délicat de Gita, si renfrogné par la contrariété, mais il s'inquiétait trop pour son frère, Titus.
Il se contenta de s'assoir sans taquiner sa « cousine », pour lire les dernière nouvelles dans le journal du jour. La Une était, évidemment, consacrée à l'accident ferroviaire. Il tenta de se concentrer sur le reste, plutôt que sur les terribles images qui accompagnaient les articles alarmants, cra malgré le grain grossier et l'absence de couleur, elles étaient effroyables.
— S'il lui était arrivé quelque chose, tu le saurais, dit Gita distraite de son jeu par les vibrations chagrines de son « cousin ».
— Qu'est-ce que tu en sais ? répliqua-t-il un peu trop sèchement.
Elle ne lui en tint pas rigueur. Elle se contenta de se tourner vers lui et de lui offrir un sourire, avant de répondre.
— Tu es son jumeau. Son double. Vous êtes connectés, tu te souviens ? alors évidemment que tu le saurais s'il lui était arrivé quelque chose !
Puis, elle se retourna vers son jeu et ajouta ;
— Il ne peut pas être mort. Aucun d'entre eux ne le peut !
Abner se leva et vint entourer de ses bras, la jeune fille si frêle en apparence. C'était une étreinte fraternelle qui les réconforta tous les deux. Bien qu'ils ne soient pas du même sang, il existait bien un lien entre les jumeaux et Gita. Depuis ce jour où, fidèles soldats de la Confrérie, ils avaient eu à surveiller la prison de la jeune fille. Depuis ce jour où ils avaient posé leurs yeux sur son visage égaré, qui ne comprenait rien à l'acharnement qu'elle subissait, leur rappelant un autre regard innocent, à jamais mort, désormais. Depuis ce jour où ils avaient réalisé que les maitres qu'ils servaient n'étaient, et ne seraient jamais, justes et équitables. Depuis ce jour où ils avaient décidé qu'ils ne pouvaient les laisser continuer à persécuter des innocents. Depuis ce jour-là, ils étaient là pour elle, et elle pour eux.
— Tu veux que je t'aide ? Ou que je joue contre toi ? demanda-t-il pour alléger l'atmosphère.
— Contre moi, répondit Gita avec un sourire carnassier.
Hendry était assis sur le rebord de pierre de l'une des fenêtres en arc brisé du petit observatoire. La tourelle du manoir offrait une vue presque panoramique du domaine. En d'autres temps, les propriétaires précédents y faisaient des observations du ciel, d'où le nom de cette petit pièce froide et peu meublée. La lunette d'astronomie était posée dans un coin, contre une tenture défraichie représentant les armoiries d'une famille oubliée.
Aucun membre du clan Mac Donald ne s'était suffisamment passionné pour les étoiles pour aménager l'endroit et en chasser le froid et l'humidité. Il restait quelques pièces de ce genre dans le manoir. Abandonnées à la solitude et à l'oubli.
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DEVOLATUS
Paranormal1957. Adela va mourir. Elle n'a pas 30 ans. Elle va laisser un mari qu'elle aime et une petite-fille qu'elle a promis de protéger. Elle est dévastée, mais n'a pas le temps de se perdre dans sa douleur. Le destin ou le sort en a décidé autrement. Par...