Alta nocte

Prologue

Janvier 2002.

Cette date demeurerait dans l'esprit de Draco Malfoy comme une fin.

Le début de la fin.

L'initiation d'une descente aux enfers qui, finalement, avait débuté bien des années plus tôt.

Après quatre années de recherches, les Aurors avaient fini par mettre la main sur le tristement célèbre Draco Malfoy. Cette arrestation, menée par le Bureau des Aurors avec une fierté dégoulinante d'ironie, avait fait la une des journaux du monde sorcier pendant des jours entiers. Il y avait une symbolique derrière chaque arrestation et dès lors qu'un Mangemort était envoyé à Azkaban, l'euphorie était identique.

Comme les romains deux millénaires plus tôt, le peuple réclamait que le sang soit versé.

Draco, après avoir traversé cette foule avide, se sentait comme les gladiateurs à ces âges lointains. Ces gladiateurs qui avaient fait de la mort un métier et qui saluaient fièrement l'empereur.

Draco était un gladiateur moderne dépouillé de ses armes.

Seulement prêt à mourir.

Deux hommes avaient été chargés de le surveiller et le tenaient pratiquement en tenaille. Ils étaient deux molosses qui n'hésiteraient pas à découvrir les crocs au moindre geste suspect. Ainsi, Draco ne s'autorisait pas le moindre geste. À peine osait-il respirer et appréhender ce qu'il s'apprêtait à subir.

La peau autour de ses ongles était malmenée et il ne le devait pas aux traitements déjà brutaux de ceux qui deviendraient ses géôliers. L'angoisse le rongeait au point où il avait besoin d'une trace physique, d'une manière de l'extérioriser. Ses doigts étaient en sang et le nœud de son estomac lui donnait la nausée. S'il ne lui restait pas quelques bribes de dignité, il aurait rendu la bile de son estomac sur le parquet impeccable du Ministère de la Magie.

Au moment où il songea à cette possibilité, une main douloureusement ferme se planta sur son épaule. Les doigts s'incrustèrent dans sa peau et, sans accorder un regard à l'une de ces brutes, Draco l'entendit prononcer :

— Allez, c'est ton tour, Malfoy. Tu penseras à pas te pisser dessus hein.

— Sa mère est plus là pour le torcher maintenant, ricana grassement l'autre.

Quelques années auparavant, Draco aurait réagi de manière irréfléchie et au mépris de tous les dangers. Le Draco qui avait participé à la bataille de Poudlard, même terrifié, n'aurait pas hésité une seconde, mais il n'était plus ce garçon. Il avait cessé de l'être bien trop tôt et l'adulte qui se présente aujourd'hui devant le Mangemagot n'était déjà plus qu'une ombre. Une ombre orpheline de parents, de nom, d'avenir.

Narcissa était morte un mois avant que Draco ne soit arrêté par les Aurors dans un pays quelconque, au nom vaguement familier. Sans doute ne s'était-il pas suffisamment défendu, accablé par la perte de sa mère. Sa génitrice n'était pas faite pour cette vie de vagabonds, avec cette insécurité, ce danger qui rôdait sans cesse, et cette inconstance. Ils changeaient de ville, de pays, parfois de continent au moins une fois par mois. Il n'était pas question de rester trop longtemps au même endroit, ce serait risquer d'être découverts. L'hiver avait été rude, cette année-là, et cet exil forcé avait fini par emporter Narcissa Malfoy.

Draco se laissa entraîner sans un mot sous les railleries des deux hommes. Il avait déjà oublié leurs visages. Leur vulgarité effaçait tout ce qui saurait les rendre humains et Draco, dans son silence buté qui ne servait même pas à le protéger, les maudissait de toute son être.