7.1

124 20 8
                                    

Harry tournait comme un lion en cage.

Le salon n'affichait plus la moindre trace de l'affrontement qu'il avait accueilli, mais le zèle du sorcier était tel qu'il aurait pu user le sol. Ginny n'aurait probablement pas apprécié.

Hermione avait congédié Harry, ni plus ni moins, alors son ami avait repris le chemin de l'hôpital après avoir accompli son travail journalier au Ministère. Elle avait déjà eu du mal à le forcer à reprendre pied, fait incompréhensible puisqu'Harry était de ceux qui vivaient pour leur devoir. Lorsqu'il était revenu, en fin d'après-midi, elle l'avait chassé. Non seulement parce que le héros du monde sorcier refusait de faire usage de sa prudence habituelle, mais parce qu'ils risquaient tous gros, à ce jeu-là. Draco était un indésirable, comme Harry l'avait jadis été, et tendre la main à un tel homme revenait à se mettre en danger.

À attirer le danger.

Hermione commençait à soupçonner son ami de se prêter au jeu de Draco, à reprendre goût à l'imprévisible. Sans faire part de ses craintes à qui que ce soit, elle avait le sentiment qu'Harry prenait un plaisir malsain à rendre coup pour coup, à attendre les représailles de son rival. Seulement, les ripostes de chacun n'étaient plus de l'ordre des farces cruelles de Poudlard. Plus de dix ans plus tard, il faudrait assumer les conséquences de leurs actes.

Harry avait dormi une heure avant que son corps ne refuse une telle perte de temps. Il s'était alors remué les méninges, avait cherché en vain une issue à l'impasse dans laquelle il se savait coincé. Il y en avait, sans doute, mais elles lui déplaisaient toutes. Il refusait de ramener Draco à Azkaban, là où était sa place. Cela aurait pourtant suffi à l'écarter de tout soupçon. Personne ne croirait un ancien Mangemort, surtout si celui-ci mourrait d'un mal inconnu. Hermione ne trouvait aucun remède connu aux symptômes de Draco et n'entrevoyait qu'une piste, celle de créateur du sortilège qui rongeait le sorcier. Cela signifiait qu'une solution toute trouvée s'imposait, elle consistait à miser sur la mort de l'ancien Serpentard.

Harry aurait dû s'en réjouir, il détenait une vengeance. S'il avait été plus vil, il aurait ramené son ennemi à Azkaban et, lorsque la nouvelle de sa mort se répandrait, il maquillerait la jubilation en une pincée de chagrin. Juste suffisamment pour marquer la peine d'un homme bon, capable d'empathie même à l'égard de son plus vieux rival. Malgré la part d'ombre que Draco révélait en lui, indépendante de la marque de Voldemort qui ne serait plus un prétexte, Harry était incapable d'un tel geste.

Depuis quand exactement la mort de Draco lui était-il si insupportable ?

Il se laissa choir sur le divan, les dents serrés dans un grincement. Les mêmes idées revenaient, encore et encore, jusqu'à tourner à l'obsession.

Il maudissait cet homme de le troubler de la sorte, d'imprégner ses pensées de son parfum et de lui inspirer une haine aussi profonde, aussi viscérale. S'il n'était pas déjà à l'agonie, Harry se serait volontiers rendu à son chevet pour marteler ses mots.

Pour marteler Draco de ses poings.

La vieille technique moldue, barbare, mais libératrice. Harry se sentait près à imploser sous la pression et il n'avait pas été dans un tel état depuis la guerre des sorciers. Depuis Voldemort.

Alors, il entrouvrit les paupières. La bouteille de whisky Pur Feu paraissait le narguer. Depuis quand n'avait-il pas céder à la tentation ? Ginny avait été intraitable, au lendemain de la guerre, mais les vieux démons demeuraient. Harry était hanté par les morts, hanté par un devoir achevé, mais qui agrippait férocement sa peau. Il avait fallu quelque chose pour tenir bon et le bonheur ne suffisait pas, la fin de la guerre non plus. Harry avait marché en équilibre trop longtemps, entre le bien et le mal, et il avait failli sombrer dans un terrible entre-deux à la disparition de Voldemort. Il avait fallu un autre objectif, une autre obsession pour l'arracher à ses sombres pensées. Son métier d'Auror avait servi de compensation. Trop maigre, sans doute, puisqu'il se sentait sur le point de céder à nouveau.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant