4.1

146 19 18
                                    

La tour d'astronomie.

Une folle envie de prendre de la hauteur, d'admirer le monde endormi à ses pieds.

L'ivresse du vertige.

La saveur âcre, persistante, de la douleur.

Draco Malfoy avait trouvé refuge au cœur de ses tourments. Poudlard représentait sa damnation et le début d'une lente descente aux enfers. Si pour bien des sorciers, l'école avait été le lieu des premières découvertes, des premiers émois, l'expérience de Draco s'était révélée bien différente.

D'abord importuné par la figure incontournable d'Harry Potter qui avait froidement refusé son amitié, le jeune Serpentard avait dû soigner son ego meurtri à l'ombre d'une fierté déplacée. Il était un Malfoy et son père répétait sans cesse qu'il valait bien mieux que le commun des mortels. Le sang pur qui était le sien faisait de lui quelqu'un d'important, de plus incontournable que ce sang-mêlé, ce saint qui n'avait de cesse de capturer l'attention générale. Draco n'avait jamais eu l'habitude du partage. Enfant unique, enfant choyé bien que brimé par les exigeantes grandissantes d'un père, l'idée même de partager la lumière des grands avec un autre lui était insupportable. Il aurait peut-être accepté un compromis si ce garçon, qu'il surnommait désormais le Balafré, n'avait pas eu le mauvais goût de lui renvoyer son aimable proposition au visage. Un violent revers, au moins aussi douloureux qu'une gifle. Cela n'avait duré qu'un bref instant, mais Harry venait d'être relayé au rang de nuisible. Toute la scolarité de Draco veillerait à essuyer l'échec de ce seul instant.

Au fond, avait-il toujours détesté Harry ?

Le garçon d'autrefois avait envie de le croire. Le garçon d'autrefois était aveuglé par la fierté et l'adulte portait un regard critique sur les événements. Un regard à la fois amer et méprisant. Il se méprisait lui d'avoir jalousé Harry, d'avoir agi en imbécile et, plus que tout, de n'avoir pas su poursuivre sa route. Il aurait pu haïr cet insupportable célébrité dans son coin. Ils se seraient voués une animosité pacifique, un mépris réciproque, mais guère davantage. Pourtant, Draco avait tenu à laver son honneur bafoué du haut de ses onze ans et jusqu'à en oublier quelle humiliation avait engendré cette haine.

D'ailleurs, la haine de l'enfant masquait quelque chose de moins lisse, de plus ambigu, comme un semblant de jalousie.

Harry possédait deux amis proches, fidèles et dévoués. Tout ce qui manquait à Draco qui se contentait de sous-fifres sur lesquels il faisait régner sa loi. Il n'avait pas encore compris qu'il était des choses qui ne se gagnaient pas avec l'influence, avec la force. L'amitié en faisait parti et cela expliquait sans doute pourquoi Draco n'en avait jamais possédé un seul. Son nom attirait les intérêts et l'élève en faisait usage comme menace. C'était presque devenu un jeu sordide, un mot derrière lequel l'enfant se cachait volontiers pour écumer sa haine, sa jalousie, toutes ces émotions qui pourrissaient la timide innocence d'antan.

Il y avait ensuite eu Voldemort.

La rupture, l'amorce de la chute, le début de la fin.

Harry avait son rôle à jouer depuis les prémices de la guerre. Déjà bébé, on l'avait choisi et il n'aurait jamais à s'interroger. Pour lui, la route était toute tracée et il ne lui restait plus qu'à attendre, qu'à agir au bon moment et à se reposer sur ses fidèles alliés.

Ses amis, plus présents et dévoués que jamais.

Tandis que Draco, lui, se confondait en incompréhension. Vers quel camp son cœur d'enfant se serait-il penché spontanément ? Il ne le saurait jamais. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il y avait toujours eu la figure terrifiante de l'autorité paternelle pour induire en erreur tout jugement. Draco faisait usage du nom de son père pour faire régner un semblant de terreur, mais son géniteur faisait usage de sa marmaille pour remplir son seul intérêt. Un manège ignoble que le fils imparfait ne lui pardonnerait pas.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant