Harry s'endormait dans sa tasse de café. Il était indécemment tôt, même pour un jour de semaine, et son esprit embrumé aurait besoin de plus d'un café pour entrer un état de marche. Pour l'heure matinale, la seule chose qui fonctionnait étaient ses muscles qui portaient la tasse à ses lèvres. Le breuvage amer, brûlant, ne lui offrait pas la gifle espérée.
Somnolant, le dos douloureux d'avoir dormi dans une position des plus inconfortables, ses pensées le menaient vers les mêmes interrogations. D'une part, ces questions le repoussaient hors de sa vie paisible, confortable, ennuyeuse à mourir. D'une autre, elles le rendaient fou tant elles l'obsédaient, tant elles le terrifiaient.
Et maintenant ? clamait une voix souveraine. Et maintenant, que faire ? Aller au bout de son idée et tout envoyer chier ? Pourquoi ? Au nom de quoi ? Revenir sur le droit chemin comme si de rien n'était ? Il n'était pas encore trop tard, le point de non-retour n'avait pas encore été franchi. Reprendre sa vie bien rangée, s'excuser auprès de Ginny dix fois, sans fois, puis obtenir le pardon un peu amer parce qu'Harry ne se pardonnait pas. C'était encore possible ? Après avoir menti, tromper, duper, il n'était pas sûr que ce soit à sa portée. Jusqu'à quelles extrémités pouvait-il porter son existence
Certaines bribes de réponses surgissaient parfois, trop vite occultées par la peur qu'elles suscitaient. Ces éléments-là, Harry n'avait aucune envie de les entendre.
Ces erreurs, ce goût pour l'interdit, il les avait expérimentés. Pas assez, pas plus qu'un autre il fallait croire. Cet égarement aurait dû être inerrant à la vie qu'il avait menée, qui avait façonné le parfait héros plutôt que de construire un humain fonctionnel.
Harry ressentait désormais tout ce dont on l'avait privé en plus des traumatismes que le monde sorcier s'évertuait à nier. Cela lui était insupportable, ce comportement faussement oublieux qui n'évoquait pas le nom des victimes, mais qui traquait celui des coupables. Pire que tout, il avait été manipulé, du berceau jusqu'à présent. Jusqu'à ce qu'il fête ses trente-deux bougies. Juillet se présenterait bientôt. Souhaitait-il tenir ce rôle du parfait modèle, de la caricature du bien là où le bien en personne avait pris plaisir à manipuler ses enfants comme des pantins ? La vérité, c'était que cette face qu'on lui avait imposée lui pesait parce qu'elle ne lui ressemblait plus.
La magie avait été tout pour lui. Une manière de se distinguer d'abord, lorsque Hagrid avait forcé cette fameuse porte en terrorisant les Dursley. Puis une marque de fabrique, une part majeure de son identité sinon la chose qui le caractérisait. La société magique était gangrenée par des être malfaisants. De jolis agneaux si on les comparait aux Mangemorts, bien entendu, mais leur manière de garder l'ordre en place en s'assurant de la bonne attitude de chacun avait quelque chose de dérangeant. Serait-il capable de la quitter pour intégrer le monde des Moldus, où il ne possédait rien, sinon une famille éloignée, vaguement inconnue ?
— Tu feras attention à ne pas te noyer, Potter.
Harry sursauta. Son cœur tambourinait contre sa poitrine lorsqu'il se retourna vivement. Draco était immobile sur le seuil de la porte. Il avait enfilé un vêtement décent et Harry lui retrouvait cette allure de prince.
Le prince n'avait pas pris la peine de coiffer ses cheveux. Il avait réajusté la robe de sorcier à sa taille. Il y avait fort à parier pour que le modèle original ait été trop petit et trop large pour la silhouette longue et étroite de Draco. Harry parcourut du regard ces arêtes sèches, cette grâce vipérine suspendue dans son mouvement.
— Mmh.
Draco haussa les sourcils. Il avait connu son rival plus causant, à défaut d'être mordant. Il se gardait cette qualité.
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Alta nocte
FanfictionLa guerre n'est plus qu'un souvenir. Dans un monde sorcier en paix depuis plus d'une décennie, ce sont les souvenirs qui hantent les héros et qui accablent les coupables. Draco Malfoy est de ceux-là, de ceux qui doivent payer pour les autres. Azka...