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Le Ministère de la Magie fourmillait d'une activité croissante en ces premières heures de la matinée.

Les employés se mêlaient aux visiteurs dans un balais parfaitement orchestrés. Au-dessus des sorciers pressés, dont certains couraient presque dans les couloirs, des lettres voletaient avec autant d'énergie. Le Ministère connaissait cette effervescence nuit et jour, même à présent que la guerre était achevée.

La guerre contre Voldemort avait pris fin quatorze ans plus tôt. Pourtant, les stigmates demeuraient. La peur transparaissait, la peur qu'un nouveau mage noir apparaisse, et la haine que les années n'avaient pas rendue moins prégnante.

Une figure qui ne saurait passer bien longtemps inaperçue s'introduisit dans ce décor déjà mouvementé avec une nonchalance étudiée. La statue instaurée au beau milieu du Ministère, celle qui représentait des Moldus écrasés par la domination des sorciers, avait disparue depuis bien longtemps et les employés avaient nourri un acharnement particulier à rayer chaque souvenir de ces heures sombres. Comme si effacer les traces pouvait suffire à retarder l'inévitable ou à ramener à la vie ceux qui avaient péri. L'idée était risible, mais le monde sorcier, après le deuxième épisode sanglant signé de la main de Voldemort, avait ressenti le besoin de faire table rase.

L'homme qui s'invita dans le tumulte n'échappa pas aux œillades insistantes, les mêmes qu'il avait subi dix ans plus tôt lors d'un jugement couru d'avance. Les sorciers ne se privaient pas de lui jeter des coups d'œil indiscrets, pas tout à fait certains de reconnaître le héros d'antan dans cette figure presque lugubre. La plupart finissait par achever un sourire, un peu surfait, un peu hypocrite, auquel l'intéressé ne répondit pas. Il se dégota une place dans l'ascenseur magique qui, lui, n'avait pas changé, et avant que le mécanisme ne s'active, un homme entre deux âges s'adressa à lui :

— Eh bien, Potter, on n'est pas bien matinal. On t'attendait pourtant à huit heures pour le débrief.

Harry Potter, car il s'agissait bel et bien de lui et qu'être ainsi interpellé acheva d'attirer les derniers regards pudiques, se tendit. Son nez se retroussa, réflexe étrange qui n'appartenait pas tout à fait au Survivant et désormais à un Auror chevronné, et il mit un instant de trop à répondre à son interlocuteur :

— Un imprévu, j'ai fait au plus vite.

— C'est ta visite à Azkaban qui t'a retardé ? Il paraît que tu as dû faire des pieds et des mains pour rentrer.

Un mince filet de sueur collait les mèches épaisses d'Harry. Il en repoussa quelques-unes d'un geste maladroit, peu habitué à sentir ce geste et comme s'il découvrait cette masse capillaire indomptable. L'air de l'homme, d'abord sympathique et familier, commençait à se teinter d'une touche de suspicion et l'autre sut qu'il était trop lent, trop peu convaincant.

— Les gardes d'Azkaban sont de vraies teignes. Il semblerait que l'autorisation que j'ai décrochée n'ait pas été un motif suffisant à ma visite.

— Tu as quand même pu le voir ?

— Oui.

La voix d'Harry accusa une sorte de trouble infime, mais traître. D'un geste tout aussi nerveux, il replaça ses lunettes à la base de son nez. Le nom de la personne qu'Harry avait visité était entouré d'une sorte de tabou. Il était mal vu d'en parler, mal vu d'évoquer des positions qui ne seraient pas catégoriques aux égards de ces prisonniers. Ils étaient pires que de simples meurtriers, ils appartenaient à une race particulière qui les rendait encore plus méprisables. Encore plus répugnants.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant