Draco recouvra sa neutralité et Harry remarqua soudain que l'imperméabilité de ses traits était doublée d'un mépris plus nuancé. Il n'y avait aucune forme d'abnégation, bien au contraire, il y avait quelque chose de plus infâme que la mort, comme une tâche sombre imprimée sur le flanc de l'âme.
Draco possédait cette noirceur terrible, cette noirceur qui ne se découpait pas clairement sur sa peau de nacre, mais qui apparaissait dans le gouffre de son regard.
Lentement, comme par défi, il tira sa baguette de la poche de son pantalon. Il était parvenu à s'en saisir juste avant de sortir. Harry se refusait à l'attaquer et si Draco n'en laissait rien paraître, il en tirait un mélange de frustration et de pitié. De la frustration parce qu'Harry ne semblait pas le percevoir comme un danger immédiat et de la pitié pour cet homme qui ne semblait pas se résoudre à l'abattre. Même à présent qu'il avait tout fait pour le plonger dans une rage sombre.
Draco ne comprenait pas ce que cela révélait d'eux, indépendamment l'un de l'autre.
Cela révélait la lassitude d'Harry, une forme de fatigue existentielle que les années creusaient, creusaient, creusaient.
Cela mettait au jour la volonté de Draco de se trouver dans une situation aussi épineuse, même après son évasion. Comme un désir d'être enchaîné, qu'on mette fin à ses souffrances, et quelle plus belle symbolique que d'être abattu par son ennemi juré ?
Pourtant, et parce qu'il lui fallait achever le paradoxe esquissé, Draco ne se laisserait pas mourir aussi aisément. Autant parce qu'il n'assumait l'aspect suicidaire et complètement fou de sa démarche que parce que l'envie de blesser était plus fort que de seulement se laisser emporter. Si Harry le tuait ce matin, alors Draco emporterait dans sa chute une part de lui.
Derrière son attitude presque nonchalante, l'ancien Mangemort masquait cette tendance, ce désir de briser, de détruire, d'annihiler. L'écho sinistre de la vie dont on l'avait dépossédé.
— Expelliarmus !
La baguette de Draco lui échappa des doigts et il la regarda tranquillement retomber quelques mètres plus loin. Hors d'atteinte. Il faillit laisser échapper un sourire, ses traits se détendirent comme pour se moquer de cet acte. Finalement, peut-être bien qu'Harry le craignait.
— On a peur, Potter ?
La mâchoire de l'intéressé se contracta avant qu'il ne lâche, avec une amertume qui refusait d'admettre qu'ils eussent déjà prononcé ces paroles :
— Tu aimerais bien.
Ils se considérèrent un instant. Ils patientaient, chacun trop conscient du fait que le premier à ouvrir les hostilités entraîneraient un engrenage de violence sans fin. Ils savouraient tous deux l'instant. Draco se réjouissait de plonger Harry dans une hésitation alors qu'il tenait la chance parfaite de se débarrasser de lui. Harry se réjouissait se tenir enfin son ennemi de toujours, de l'avoir à sa merci, mais sa joie était bien moindre.
— Je te laisse me jeter le premier sort, Potter. Cette fois, il n'y a pas de serpents pour te sauver la mise. Pas de professeur non plus.
— Pas ton père non plus pour te servir de prétexte.
Harry reçut alors comme une vague désagréable. Une houle de magie qui le heurta de plein fouet et qui électrisa son corps. Son souffle lui échappa et il eut comme un sursaut. Draco n'avait pas prononcé la moindre parole, il n'avait pas même sourcillé et sa baguette gisait à quelques mètres de là, dans la cuisine. Azkaban n'avait pas trop déteint sur ses facultés magiques, mais elles les avaient probablement rendues instables. Dangereuses.
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Alta nocte
FanfictionLa guerre n'est plus qu'un souvenir. Dans un monde sorcier en paix depuis plus d'une décennie, ce sont les souvenirs qui hantent les héros et qui accablent les coupables. Draco Malfoy est de ceux-là, de ceux qui doivent payer pour les autres. Azka...