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Plus encore que le fait d'avoir été désarmé aussi facilement, comme si sa concentration lui avait fait défaut l'espace d'un bref instant, cette parole heurta Harry. Plus encore qu'un sort, plus encore que les coups.

N'avaient-ils jamais tenté de le faire ? Harry ne se rappelait pas qu'une pareille situation se soit déjà présentée. Leursrapports s'étaient toujours bornés à des échanges houleux.

Le regard de Draco dévia brièvement pour se figer sur les poings d'Harry. Il eut un sourire dégoulinant d'une indulgence hypocrite :

— Tu ne vas tout de même pas me frapper encore, Potter ? Je vais finir par croire que tu es un de ces Moldus.

— Laisse-moi récupérer ma baguette et nous verrons.

— Non, pas avant que nous ayons discuté.

— Je n'ai rien à te dire, Malfoy, persifla Harry, avec cette véhémence qui mettait à mal jusqu'à l'illusion du contrôle. Je suis venu pour te ramener d'où tu es sorti. Ta place est à Azkaban, pas ici où un... criminel dans ton genre pourrait faire trop de mal.

Les traits de Draco se durcirent un peu plus. Harry venait de poser le doigt sur l'une des faiblesses de son adversaire. Sans le savoir, il donnait à cette conversation une toute autre dimension. L'ombre qui avait investi les traits du blond, cette ombre qui étendait sur son faciès celle de la nuit, était de mauvais augure.

— Je te conseille de jouer le jeu, Potter, je te rappelle que je te tiens en joue.

— Qui te dit que je n'ai pas ameuté mes collègues, qu'ils n'attendent pas mes ordres ?

— Le fait que tu le supposes.

Ils se lorgnèrent tous deux, avec cette hostilité ouverte, cette haine brute et violente. Harry retraçait le visage dur de Draco et songeait qu'il avait tout du parfait criminel avec cette ombre qui planait sur ses traits. Paradoxalement, il semblait trop humain pour correspondre à cette étiquette. Trop humain malgré cette effrayante neutralité. Draco, quant à lui, s'infiltrait dans chaque faiblesse de son rival. Il les traquait pour en faire une arme, à la manière d'un prédateur prêt à bondir sur sa proie, et peu importait que la proie soit un lion. Il était à la fois blessé par les propos qu'il aurait pu pourtant prévoir et répugné par la figure qui se dressait face à lui, debout là où il se tenait assis.

Potter et sa vision de la justice. Rien ne lui était plus insupportable.

— Tu as respecté les règles, Potter, et venant de quelqu'un qui mettait un point d'honneur à les enfreindre, je dois dire que c'est étonnant.

Harry ravala un sourire. Cette référence subtile, digne de son interlocuteur, était inattendue. Toujours désarmé, il faisait preuve d'un courage aveugle tandis que rien ne retenait Draco. Il aurait pu le tuer et pousser son corps jusqu'à ce qu'il s'écrase en bas de la tour. L'idée était enjôleuse et l'homme vil, mesquin, le criminel qu'on dépeignait et qu'Harry s'était plus à se représenter durant bien des années l'aurait fait.

Pourquoi ce Draco s'y refusait-il donc ?

— Je suis bon joueur, admit Harry, d'une voix sensiblement moins tendue.

— Tricher est le lot des Serpentards.

— C'est pourquoi tu m'as désarmé.

— Moi non plus, je n'ai jamais aimé les règles, Potter.

Cet instant les figea dans cette joute verbale presque pacifique. Cette conversation aurait pu déboucher sur une finalité favorable et il était encore envisageable d'y croire. Il semblait même à Harry que l'ombre avait reculé et que le visage de Draco, abîmé par le temps et qui laissait apparaître les blessures encore récentes des coups essuyés, apparaissait plus nettement.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant