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/!\ Le chapitre qui suit comprend une scène susceptible de heurter la sensibilité, pas uniquement des plus sensibles et des plus jeunes. Une scène d'agression sexuelle y est notamment décrite, dans le troisième passage en italique (ils sont délimités par trois astérisques). Le reste ne devrait pas être problématique, mais ne vous lancez pas dans la lecture dudit passage si vous ne le sentez pas. Rien ne vous y force. Quoi qu'il en soit, je vous souhaite une agréable lecture ! /!\

L'ombre inquiétante du Manoir Malfoy se découpait. Sa silhouette se noyait dans la brume au point de s'y confondre.

Harry inhala une profonde goulée d'oxygène en s'arrachant à la sensation déplaisante du transplanage. Entre ses bras, le corps inerte de Draco n'en semblait que plus lourd. Il était intact, vierge de nouvelles blessures qu'aurait pu lui infliger l'inconscience d'Harry. Le héros d'autrefois qui s'était soudain rappelé de quelle façon Ron s'était désartibulé, quatorze ans auparavant. Le Survivant, ou l'Élu, aurait tout misé sur ses amis.

L'homme qu'il était devenu faisait cavalier seul.

Figé devant les grilles du Manoir, contre lesquelles serpentait la végétation d'un lieu laissé à l'abandon, Harry jeta un œil à celui qu'il avait entraîné dans sa folie.

Pour le sauver, pour le condamner, pour entretenir l'illusion qui niait la solitude.

Harry avait traîné derrière lui son éternel rival, inconscient par sa faute.

Entre ses bras, Draco n'était plus tout à fait là.

Il rêvait.

***

La première chose qui frappa Draco lorsqu'il entra à Azkaban fut les Détraqueurs. Non pas qu'il n'en ait jamais rencontré auparavant – il avait même souvenir de s'en être moqué à outrance, au cours de sa troisième année à Poudlard – mais il existait une solide différence entre croiser leur route et y être confronté.

Cette fois, les Détraqueurs représentaient une menace directe. Ils surveillaient la prison des sorciers, dissuadaient par leur présence les détenus de tenter l'évasion. Si quiconque était assez fou pour tenter l'escapade, ces spectres ne manquaient pas d'ôter cette folle idée de l'esprit des criminels.

Draco passa à la hauteur des Détraqueurs. Il ressentit une fraîcheur désagréable, un peu moite, contre sa nuque, contre sa peau découverte. Une sensation passagère qui le quitta lorsque l'un de ses geôliers, un employé zélé qui accomplissait ses tâches journalières non pas par devoir, mais par plaisir, le poussa sans ménagement. Draco trébucha sur une pierre irrégulière et s'attira les rires d'un groupe d'hommes installés au pied des marches.

Ils prolongeaient leur pause du midi et venaient de tomber nez à nez avec leur source de distraction du jour. Un divertissement pour tromper l'ennui et l'éternelle routine d'Azkaban.

— Eh bah, Mitch, qu'est-ce que tu nous amènes ?

— Tu le reconnais pas ? Quand même, des têtes comme la sienne, tu en croises pas beaucoup. Il te rappelle rien ?

Draco avait serré les dents. Lessivé par le procès, dont l'issue était tombée la veille, par nombre de nuits sans sommeil, et par la peur familière qui rôdait jamais bien loin, il ne tenait pas à voir s'éterniser ces moqueries en règle. Draco avait commencé à apprendre comment se taire, quand faire profil bas, à quel moment se faire oublier. Ces hommes-là ne connaissaient aucune gloire, aucun plaisir qui les comblerait vraiment. Ils étaient des tranquilles employés lassés par la tâche, lavés de tout scrupule et persuadés d'être dans leur bon droit, quoi qu'il advienne. Draco n'avait pas encore saisi cette subtilité qui les rendait si dangereux, si cruels, mais ces tortionnaires du quotidien représentaient une menace parce qu'ils étaient comme tout le monde.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant