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Draco paraissait tomber des nues, comme si l'idée même qu'il puisse trembler de peur était impensable.

Des figures extirpées des limbes grouillantes du passé donnèrent raison à cette idée.

Lucius n'avait jamais permis à son fils de pleurer. Plus tard, à Poudlard, on avait attendu de la tête de la maison Serpentard – car il n'existait, en toute logique, personne pour égaler l'héritier Malfoy – une force souvent synonyme de méchanceté. L'ère sinistre du règne de Lord Voldemort avait été l'apogée de cette pression perpétuelle qui avait écrasé les épaules de Draco. Du moins, il pensait y avoir découvert l'apogée. Azkaban lui avait prouvé le contraire et, toujours, pas une seule occasion de trembler.

Draco ne supportait pas l'idée d'être faible au point où la crainte qu'on le soupçonne de le devenir le changeait. Il devenait plus amer que jamais, plus aigre, plus violent. De paroles et d'actes. Tous les prétextes étaient bons pour détourner l'attention de ce qu'il considérait lui-même comme une tare.

Presque une malédiction.

Un Malfoy ne tremblait pas.

Un Malfoy ne connaissait pas la peur, il la suscitait.

Si Harry ne comprit pas toutes ces subtilités, et Draco ne cherchait d'ailleurs aucunement de se justifier, il entrevit une part de cette vérité. L'une des nombreuses qui courait sous le vernis insupportable dont les traits de Draco avaient été recouvert.

Troublé, Harry approcha sa main du visage de l'homme.

Comme s'il souhaitait dépouiller sa peau de cette couche superficielle. La méchanceté cachait la peur dans son sillage, mais que masquait-elle, cette crainte, de plus terrible encore ?

Draco ne le laissa pas le toucher. Il ne le laissa pas poser un doigt sur lui et, alors qu'il avait initié leurs étreintes, il se déroba avec une rare violence. Le dégoût qui plissa ses traits éclipsa en un clin d'œil la peur et elle fut aussi absente que si elle n'avait jamais existé. Harry eut, lui aussi, un net mouvement de recul, glacé par l'expression de répugnance qui accablait à présent le visage de Draco. C'était comme si rien de ce qui venait de se passer n'avait véritablement eu lieu et ce fut si violent, si douloureux sans qu'Harry ne comprenne pourquoi, qu'il en vint à douter, lui aussi.

— Non, rétorqua Draco, dans un souffle.

Ses yeux papillonnèrent, comme s'il tentait de reprendre ses esprits et il ferma ses doigts après les avoir consultés. Le tremblement se répandait jusqu'aux coudes et son écho résonnait jusque dans les épaules émaciées de Draco.

Harry eut tour à tour envie de tempêter et de le rassurer. Un élan nouveau, qui lui aurait semblé impensable une heure plus tôt.

— Je ne tremble pas, Potter, et je n'ai pas peur non plus.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'enquit Harry, s'astreignant au calme et à la mesure.

Les lèvres de Draco s'hérissèrent d'un rictus hideux. Un rictus qui n'avait rien de comparable avec un sourire et sa figure se tordit en conséquence. Les muscles n'étaient plus habitués à répondre à pareille sollicitation et le résultat n'en fut que plus laid.

— Ce qu'il s'est passé ? répéta Draco, venimeux. Tu parles de ce baiser ? Qu'est-ce que tu crois ? Que j'attendais ça depuis qu'on s'est revus ? Que lorsque j'ai dormi aux côtés de ta parfaite petite épouse, je me suis imaginé à sa place, avec toi pour réchauffer mes draps ? Tu me demandes ce que ça signifie, mais qu'est-ce que tu attends ? Je ne suis pas mielleux, je ne suis pas un Poufsouffe, je leur laisse la niaiserie. Ce baiser, c'est pas une déclaration, ne va surtout pas y chercher de quelconque... sentiment.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant