11.2

108 16 10
                                    

Draco passa les heures qui suivirent à se reposer. Son corps récupérait peu à peu ses forces et la douleur cédait du terrain à chaque minute qui s'écoulait.

Harry lui avait amené, peu après leur discussion, un breuvage qu'il avait fait passer pour une tisane. Draco n'était cependant pas dupe. L'odeur âcre et désagréable qui s'en dégageait ressemblait à celle des plantes médicinales et après l'avoir reniflé avec prudence, l'homme avait bu le contenu de la tasse. Il avait senti ses muscles se détendre, son attention se relâcher, et il avait sombré dans le sommeil, presque à contrecœur, alors que quelques instants plus tôt, il luttait pour s'abandonner aux bras de Morphée.

Le breuvage, qui ne devait pas être une potion de sommeil sans rêve, lui offrit le luxe d'un vrai temps de repos tel qu'il n'en avait pas connu depuis des lustres. Quelques cauchemars vinrent ternir la surface de sa conscience, mais il n'en conserva aucun souvenir.

Lorsqu'il émergea des limbes du sommeil, il s'abîma dans la recherche de souvenirs. Il était tenaillé par la sensation d'avoir oublié quelque chose sans savoir quoi. Il se redressa lentement et son regard dévia, sans comprendre, tout autour de lui. La pièce était presque nue, sobre, mais élégante, et le lit sur lequel Draco était allongé proposait un confort inhabituel. Inhabituel au point où il grimaça, au point où il fut saisi par cette sensation qu'il jugerait presque de désagréable. L'impression de s'enfoncer dans le matelas moelleux ne lui apportait pas la sécurité d'une couche dure, inconfortable, et malgré la fatigue qui engourdissait encore ses membres, Draco se redressa.

La tête lui tourna, mais il tint bon. Il respirait vite et fort, et comprit avec un temps de retard que la peur avait signé son grand retour. Une peur bien différente de celle qu'il avait connu à Poudlard, avant Azkaban, une peur née de l'expérience et enracinée jusque dans les tréfonds de son être. Elle lui était familière, presque bienvenue, mais à son contact, il ne put rester inactif.

Draco se releva et, toujours déboussolé par un lieu qu'il reconnaissait, mais qui lui semblait déformé, il enfila les vêtements posés avec soin sur une chaise. Ils étaient à sa taille et, à la réflexion, il sembla à Draco qu'il s'agissait en fait des siens. On les avait posés ici à son attention. Qui ? Un elfe de maison ? Il le savait, au fond, mais quelque chose l'empêchait d'avoir accès à cette information. Le sommeil avait soufflé le chaos dans ses pensées, jusque dans sa manière d'appréhender son environnement, et tout, jusqu'à sa démarche, lui parut étrange, inexplicable.

Où se trouvait-elle, l'imposture ? Où se terrait l'illusion, qu'il puisse la dépouiller ?

Draco finit de se vêtir, puis accorda un regard au miroir suspendu à deux pas de l'entrée. Une sensation inqualifiable pesait au creux de son estomac. Il ne reconnut pas l'homme qui l'observait et porta une main à son visage pour être tout à fait sûr qu'il lui appartenait bel et bien. Il redessina ses hautes pommettes, dévala ses joues creusées par les privations, s'attarda sur le tracé cru de sa mâchoire, contourna son menton pointu, puis remonta vers ses lèvres fines et pâles avant de cheminer vers ses tempes jusqu'à la racine de ses cheveux blonds. Il y avait les cicatrices, qu'il évita d'abord avant de presser la pulpe de ses doigts dessus, de les tâter. Il ressentit une piqûre, légère, mais nette, et finit par s'abstenir.

La vision de ce visage, familier, étranger, fut un point d'encrage à la réalité.

Ou alors un point de non-retour.

La confusion que Draco ressentait se doubla d'une envie de violence orpheline.

Il quitta la pièce et referma soigneusement la porte derrière lui. Il reconnaissait soudain le lieu dans lequel il avait échoué. Le Manoir Malfoy avait subi l'épreuve du temps, mais à l'exception de la poussière et de l'ambiance lugubre qui s'en dégageait, chaque meuble, chaque porte, chaque pièce et chaque antichambre était reconnaissable. Tout y était resté parfaitement en ordre, comme la demeure avait été jadis abandonnée.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant