18.2

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Harry avait parcouru toutes les lignes épurées de ce qui ressemblait fort à une geôle. Il n'avait pas eu droit aux cellules d'Azkaban et il s'en étonnerait presque.

Draco n'aurait pas manqué de lui faire remarquer ce détail. Saint Potter était une personne d'une telle qualité qu'il n'était pas question de le faire croupir à Azkaban. Ce sort était réservé aux malfrats, aux criminels qui feraient, sur le papier, de vrais méchants. Les anciens Mangemorts, par exemple.

Harry avait eu tout le loisir de s'interroger sur son geste. Avait-il été nécessaire ? Y avait-il eu, quelque part, un autre moyen qui lui aurait échappé ? Quoi qu'il fasse, il savait que Draco aurait toujours un choix plus restreint que le sien ? C'était ironique, injuste même, car à ce jeu de vengeances sordides, ils avaient été deux participants. Harry avait eu de nombreuses occasions de s'extirper de ce bourbier, mais il ne l'avait pas voulu.

C'était comme si Phil avait deviné l'issue de cette histoire. Comme s'il avait deviné qu'Harry refuserait de condamner Draco et que celui-ci se laisserait docilement balader.

Ils avaient facilité la tâche à l'homme qui avait décidé de les condamner d'un seul tenant.

Harry tournait et retournait le problème sans faiblir. Il ne pouvait croire que Phil avait tout manigancé. Il était possible qu'il ait entraîné l'évasion de Draco. En fait, Harry avait de solides soupçons à ce sujet, mais Phil n'avait pu prévoir chacune de leurs actions. Il était probable qu'il ait veillé à ce que tout se déroule comme il l'avait prévu.

Ou du moins comme il l'avait souhaité.

Il avait été un œil extérieur sur les événements, un œil qui s'arrangerait pour que l'issue qui serait choisie lui convienne. Au fond, peu lui importait la manière d'y parvenir, Phil comptait sur le dénouement et il devait jouer en sa faveur.

C'était précisément de ce joug dont il devrait se défaire, avant que Draco ne succombe.

Harry haïssait la sensation que lui procurait l'idée seule d'une telle manipulation. Phil avait épié le moindre de leurs mouvements. Il avait dû s'étonner de voir Draco revenir vers Harry, préférer la vengeance à la fuite, ou peut-être avait-il compté là-dessus, justement... Harry ne parvenait pas à démêler le vrai du faux.

Ce qu'il avait fait de plus insensé dans sa vie, cette liberté totale après avoir une existence passée à suivre avec soin le parcours qui lui avait été tracé, avait en fait été régi par un autre. C'était cela, au fond, le plus douloureux.

On lui avait souvent fait remarquer ses manques aux règlements de Poudlard, et sa tendance à enfreindre les règles. Harry posait à présent un regard amer sur ce constat. Il avait toujours été obéissant, bien sage et bien docile. Il avait suivi la voie qu'on avait tracée en son nom, celle de Dumbledore, celle de Voldemort ou encore celle du Ministère dont Phil était le seul maillon indépendant.

Et ce qui s'apparentait à une rébellion sordide envers le Ministère n'en était pas une. Elle ne lui appartenait même pas.

Harry était certain que Phil serait intervenu s'ils avaient eu le malheur de s'échapper du chemin qu'il leur avait tracé.

Alors comment le prendre de court ? Comment se glisser dans l'engrenage pour arrêter le mécanisme à temps ? La seule manière d'opérer était encore d'accomplir l'impensable. Phil l'avait pensé avide d'indépendance, fier de cette rébellion ridicule de garçon gâté. Il n'avait pas prévu qu'il puisse se rendre.

Harry eut une pensée pour Draco. Une pensée vive qui lui coupa le souffle. Alors qu'il s'acharnait à déjouer les plans d'un ennemi familier, il n'était pas certain qu'il parviendrait à sauver Draco. En fait, il ne savait pas encore quel miracle serait le plus difficile à accomplir.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant