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La nuit tombait sur le Manoir des Malfoy.

Harry avait transplané alors que la nuit succédait aux lueurs vespérales prostrées, languissantes, à la frontière de l'horizon. Il n'avait pas trouvé Draco dans sa chambre. En fait, il ne l'avait trouvé nulle part.

Il avait eu peur, après avoir traversé toutes les pièces du Manoir.

Et si Draco l'avait doublé ? Harry savait qu'il n'avait rien à y gagner, mais son ancien rival jouait sur l'ambiguïté.

En réalité, il y avait plus de chances pour que Draco ait craint d'être trahi par l'Auror et qu'il ait cherché un refuge ailleurs. Cela aurait été d'une logique implacable. Draco avait repris des forces, il pouvait désormais transplaner plus loin et peut-être échapper à la vigilance du Ministère de la Magie et de son bureau des Aurors.

Harry songea à cette possibilité. Elle les libérerait tous les deux. Draco détiendrait la possibilité de refaire sa vie, loin, sous un autre nom, et Harry n'aurait qu'à poursuivre la sienne, ailleurs. Il réalisa que cette perspective lui glaçait le sang.

Figé sur le seuil de la porte d'entrée du Manoir, l'Auror remarqua une silhouette dans l'immense jardin qui bordait la demeure. Laissé à l'abandon, le jardin avait perdu de sa splendeur passée : la verdure débordait des platebandes, les variétés se mélangeaient en une parfaite anarchie végétale.

Au milieu de ce désordre qui aurait épouvanté Narcissa, Draco était baigné par l'éclat blafard de la lune. Il remarqua sans doute le retour d'Harry, car il ne fit pas mine de s'étonner lorsque sa voix rompit le silence :

— J'ai cru que tu étais parti.

Il n'obtint aucune réponse, pas même un infime tressaillement. Le regard d'Harry s'attarda sur la silhouette découpée par les ombres et découverte par la lueur pâle de l'astre nocturne. La silhouette était peut-être à peine moins décharnée, mais elle faisait toujours peine à voir et elle était toujours douloureuse à observer. Comme si, en un regard, Harry pouvait détenir un aperçu de ce que Draco avait subi.

Il n'en était rien.

Pourtant, l'Auror ne put s'empêcher de trouver une forme de beauté, dans ce corps parfaitement vêtu, mais amaigri. Il devina une faiblesse, une vulnérabilité, qu'il n'avait jamais associé à Draco. Quelque chose de nouveau et de déchirant.

Harry reprit :

— J'ai vu Blaise, aujourd'hui. Il fanfaronnait, mais je crois qu'il était inquiet pour toi.

Les épaules de Draco s'étaient tendues et Harry y vit un encouragement subtil.

— Il m'a dit de te transmettre quelque chose. Tu veux l'entendre ?

Draco avait bougé. Imperceptiblement, mais il avait bougé, et une part de son profil, de sa figure aristocratique, se dévoilait.

— Il a dit attendre son vieil ami.

Harry s'apprêtait à tourner les talons. Il n'avait pas le cœur à tempêter ce soir, à exiger de Draco une réponse, même du bout des lèvres. Il était las et confus. Confus d'avoir songé au possible départ de l'ancien détenu et d'avoir ressenti une bouffée de désespoir.

Le départ de Ginny, en comparaison, ne l'avait que peu affecté.

— Pourquoi êtes-vous allé le voir ?

Même la voix de Draco sonnait étrangement.

— Je dois faire bonne figure. Une enquête a débuté au Ministère, pour retrouver ta trace.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant