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Lorsqu'Harry transplana au Ministère de la Magie, il s'y sentit aussi indésirable qu'il l'avait été, quinze ans plus tôt.

Il mit les pieds dans son bureau et fut accueilli par une demi-douzaine de ses collègues. Un brin désespérés, ils assaillirent Harry de questions :

— Potter, où est-ce que tu étais, tout ce temps ?

— On a sorti aux supérieurs que tu étais pas dans ton assiette, mais...

Le sourire gêné de son collègue trahissait un malaise certain. Il était difficile de justifier l'absence d'un des meilleurs éléments du Bureau des Aurors dans une période aussi délicate. Certains voyaient déjà le pire arriver. Certains imaginaient déjà en Draco Malfoy un Voldemort en devenir.

Peut-être même l'était-il déjà.

— Bryan et Lucile ont été envoyés chez toi, hier, poursuivit un autre, un peu mal à l'aise.

Les épaules d'Harry se tendirent et une ombre voila son visage. Il n'était plus à son aise au centre de l'attention, surtout lorsque cela incluait un trop grand nombre de figurants. Une envie farouche de faire éclater sa magie, celle qu'il muselait depuis trop longtemps et que seuls les rares duels lui permettaient d'éveiller furtivement, le frappa. C'était plus qu'un désir, c'était un besoin. Une nécessité que son corps réclamait, une grâce après avoir coopéré si longtemps.

Harry supportait mal ce monde, ces regards qui le scrutaient. Cela lui rappelait la célébrité des premiers instants où la Gazette pistaient quasiment tous ses faits et gestes afin de s'assurer le prochain scoop. Après l'anonymat imposé par la guerre, ces mois d'errance au cours desquels ils ne devaient être reconnus de personne, la bascule qui lui avait rendu son titre de héros l'avait ruiné. Peut-être était-ce elle, la coupable de sa déchéance ? Ces regards qui en demandaient trop, cette attention à laquelle il n'était plus habituée, cette célébrité presque obscène, avant même que les morts n'aient été débarrassés.

— Vous êtes passé chez moi, répéta-t-il, d'une voix traînante.

— Ouais, ils sont passé hier soir, je crois, ou peut-être ce matin, mais il y avait personne. On commençait vraiment à s'inquiéter. Il y avait personne chez toi. C'était rangé, pas de traces d'agression ou quoi, et les dernières traces d'une magie agressive remonte à des jours, mais...

Harry ne l'écoutait plus. Il aurait pu laisser traîner des indices compromettants. Décidément, il manquait à tous ses devoirs en plus de rivaliser d'imprudence. Cela ne lui ressemblait pas, cela ne lui ressemblait en rien de manquer à ce point de cohérence, de régularité à la fois dans les pensées et dans les faits.

Pour la première fois, Harry se penchait sur ce que son esprit lui dictait. Il ne l'avait plus fait depuis Poudlard, si tant était à penser qu'il avait déjà eu ce geste, cette clémence envers lui-même. Et cela n'entraînait aucune clémence, d'ailleurs, mais un jugement moins hâtif, plus douloureux, car plus intransigeant encore. Ce qu'Harry découvrait de lui-même, par la faute de Draco, ne lui plaisait pas.

Par la faute de Draco... Encore cette fâcheuse habitude. Il laissait reposer la pleine responsabilité sur celui qui, de toute façon, ne pouvait pas se défendre. En quoi Harry valait-il mieux que les membres du Mangemagot qui l'avaient condamné ?

L'Auror avait seulement du mal à admettre sa culpabilité. Dès ses premiers pas dans le monde sorcier, les accusations qui le concernaient avaient toujours été fausses, injustes, et il finissait toujours par être innocenté. Cette habitude était restée ancrée. S'il y avait bien une chose qui s'était accrochée à lui, c'était bien cela. Une incapacité à reconnaître ses torts.

Alta nocteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant