Harry se retint au mur du salon à l'instant où Draco disparut. Partagé entre l'accès de rage, autant à l'égard de Draco que de lui-même, la frustration et une douleur vive, il chancela.
— Non !
Un cri profond, sourd, qui lui déchira les entrailles. Il aurait pu les vomir sur le parquet qui, d'ordinaire impeccablement lustré, était recouvert de débris. Vomir ses entrailles et vomir cette haine qui l'étranglait.
Démuni, il n'existait plus qu'une pensée qui lui soit cohérente et celle-ci ne cessait plus de résonner.
Draco Malfoy lui avait échappé.
Draco Malfoy, évadé d'Azkaban, était libre dans le monde sorcier.
— Harry !
La voix de Ginny, lointaine bien que d'une redoutable fermeté, lui parvint. Harry se laissa glisser contre le mur dans une plainte inarticulée. Le sort de Draco aurait pu lui détruire les jambes si celui-ci avait possédé ne serait-ce qu'un tier de sa puissance originelle. À défaut de quoi, le maléfice avait abîmé la peau, mais sans commettre d'autres dégâts. La douleur n'était pas suffisamment enivrante pour estomper la rage, pas suffisamment déchirante pour annihiler toute autre pensée.
— Harry, qu'est-ce que Malfoy faisait ici ? Harry ! Par Merlin, explique-moi !
Il y avait un certain emportement dans la voix de Ginny, mais pas d'agacement, seulement la tension d'une femme accueillie au réveil par un duel entre deux sorciers au beau milieu de son salon. Il suffisait d'ajouter à cela le fait que l'un de ces deux hommes était son mari et le second un criminel supposément enfermé à Azkaban pour s'imaginer l'ampleur du choc. Harry ne lui adressa aucun regard, les yeux perdus dans une réalité qu'il ne percevait plus. Il murmura :
— J'ai merdé, Ginny.
— Qu'est-ce que tu as fait ? s'enquit l'intéressée, d'une voix blanche.
Une autre se serait catastrophée devant les dégâts du salon, les sorts ayant dévasté une partie de l'ameublement impeccable des lieux, mais Ginny avait vu suffisamment de destructions dans sa vie pour ne pas s'en épouvanter. Quelques sorts et l'état pitoyable des murs abîmés, des chaises renversées, du sang qui tâchait le sol, ne serait plus qu'un lointain souvenir. En revanche, si quelque chose l'inquiétait véritablement outre la présence de Draco dans sa maison, c'était bien l'expression défaite d'Harry. Il ne s'agissait pas du visage d'un homme qui venait d'échouer à sa mission et de laisser s'échapper un criminel, mais d'un échec bien plus abrutissant.
— Une connerie. Une énorme connerie.
Ginny s'agenouilla devant Harry et lui imposa son visage, sa présence, tout ce que l'homme pouvait tenter de fuir. Depuis combien de temps ne lui avait-elle plus connu une telle expression ? Ce devait être à Poudlard, lors de la grande bataille qui les avait opposés à Voldemort. Ou peut-être quelques années plus tard, lors d'un procès qui avait entraîné la chute de Draco. Ginny n'avait jamais su faire le lien avec la mine dévastée de son mari le soir où il était revenu du tribunal sorcier. Elle avait abordé le sujet, vaguement peinée pour lui, consciente que malgré le mépris qu'elle lui vouait, il n'était guère plus qu'un enfant malchanceux, comme ils l'avaient tous été, et Harry avait refusé de décrocher la moindre syllabe. Sans jamais que Ginny ne parvienne à s'expliquer cette réaction disproportionnée et ce silence.
— Harry, réponds-moi s'il te plaît.
Elle attrapa son visage à deux mains, avec le plus grand sérieux, une lueur d'affection, de peine, logée dans son regard. Elle força Harry à la regarder, à lui répondre, et sentit nettement la respiration de celui-ci se bloquer dans sa poitrine. Comme un sanglot étranglé.
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Alta nocte
FanfictionLa guerre n'est plus qu'un souvenir. Dans un monde sorcier en paix depuis plus d'une décennie, ce sont les souvenirs qui hantent les héros et qui accablent les coupables. Draco Malfoy est de ceux-là, de ceux qui doivent payer pour les autres. Azka...