Essentia Transmoveo

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« La haine renfermée est plus dangereuse que la haine ouverte. » 
{Denis Diderot}

Hermione s'était enlisée dans une routine, plutôt rassurante, entre les cours, les déjeuners, et les recherches à la bibliothèque. Près d'un mois s'était écoulé depuis que son sablier défectueux l'avait envoyée en 1944. C'était incroyable de constater à quel point l'esprit humain est capable, de gré ou de force, de s'habituer à tout ce qui peut lui arriver. Elle évitait Tom Jedusor, autant que possible, ses relations avec lui se limitaient aux strictes politesses d'usage, ce qui semblait tout autant convenir au jeune homme. Cela rassurait la jeune Gryffondor. Bien entendu, elle semblait continuer à l'intriguer, mais sa désinvolture à la bibliothèque ne lui avait pas nui. Elle avait réussi à garder ses défenses mentales intactes, et n'avait donc laissé filtrer aucune information. Quant à Abraxas Malefoy, il ne lui accordait plus un regard, ou quand il le faisait, il baissait instantanément les yeux. Cela signifia à la jeune femme qu'elle avait eu raison. Il n'était qu'un sous-fifre, et Voldemort avait vraisemblablement interdit au jeune Malefoy de reprendre contact avec elle.

Le professeur Dumbledore n'avait toujours pas fait de progrès dans la réparation du sablier, mais Hermione avait rapidement compris qu'il avait d'autres soucis en tête. Une rumeur courait actuellement dans le château, affirmant que Dumbledore avait parlementé avec le ministre concernant Grindelwald le matin où elle avait dû faire cours seule. Se souvenant de la raison pour laquelle son mentor était réticent à l'idée d'affronter le mage noir, elle se contint tout de même de ne pas l'inciter à mettre un terme à toute cette histoire. Ne pas changer le futur. Tous les soirs, elle s'exerçait à l'Occlumancie, et au self-control afin de gérer cette impuissance forcée dans laquelle elle se trouvait. Ne pas changer le futur. Les temps étaient troubles et elle en connaissait les raisons. Ne pas changer le futur. Malgré tout, elle ne pouvait empêcher l'amertume de se répandre en elle, au souvenir des ténèbres qui envahiraient bientôt le monde magique. Elle avait le pouvoir – ou du moins la possibilité – de l'en empêcher. C'était bien pire de savoir ce qui allait se passer et se forcer à se taire, laisser des gens disparaître pour toujours sans un mot, que d'être engluée dans l'incertitude. Au moins avec l'incertitude, il y avait de l'espoir... Elle conservait quand même cette espérance de rentrer chez elle, dans cinquante années, de retrouver Ron. Et Harry. Et tous ses amis.

L'automne était arrivé avec ses derniers rayons de soleil illuminant les feuilles orangées des arbres. Ces mêmes-feuilles bruissaient sous les pas d'Hermione alors qu'elle traversait le parc en direction du lac, et de la cabane de Hagrid. Bien entendu, elle ne pouvait pas le voir comme avant, avec Ron et Harry. Cependant, ils se saluaient civilement, et discutaient même de temps en temps. Mais ce n'était pas son Hagrid. Celui de son futur. Résultat : à chaque fois qu'elle était avec Hagrid, elle avait une migraine terrible car son esprit revenait irrésistiblement à la question du paradoxe temporel. Avec Dumbledore, c'était différent. Elle n'avait jamais été particulièrement proche du professeur de métamorphose quand il était directeur, c'était plutôt le cas de Harry, même s'il l'avait ajoutée à son testament. Mais ça, elle essayait de ne pas y penser. Elle pourrait empêcher sa mort, mais en même temps, elle ne le pouvait pas...

S'arrêtant brusquement, elle serra les poings à s'en faire mal, le regard résolument fixé sur le lac. Après une seconde de contemplation, elle reprit sa marche comme si de rien n'était. Ces balades de temps à autre lui étaient nécessaires pour s'oxygéner, évacuer toute la tension qu'elle accumulait à une vitesse record. Tant qu'elle savait qu'elle ne resterait pas, qu'elle ne voulait pas rester, elle bouillonnait dans l'attente de son retour. Hermione se dirigea vers l'arbre le plus proche du lac, celui sous lequel Harry, Ron, elle et parfois Ginny passaient du temps ensemble. Appuyant son dos contre l'écorce, elle leva la tête et laissa les souvenirs affluer, les yeux clos. Des souvenirs heureux de préférence, qui lui dessinaient un sourire réjoui sur ses lèvres qui en avaient perdu l'habitude.

Le Temps, cet InconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant