Lumos

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« Le destin bat les cartes mais c'est nous qui les jouerons...»

{Bernard Moitessier}

Hermione était sous le choc. Les concepts passé, présent, futur se mélangeaient dans sa tête avec ceux de justice, bien et mal. Avalant difficilement sa salive et choisissant ses mots avec soin, elle articula :

« Mais professeur... Vous dites vous-même que si je n'avais pas été là, vous n'auriez pas pris cette décision, n'est-ce pas dangereux ? Cela signifierait que j'ai une influence sur le passé... »

Dumbledore joignit ses mains devant lui et la regarda gravement.

« J'ai bien peur que oui, Hermione... Mais nous, qui ne disposons pas de votre connaissance du futur, quel choix avons-nous ? Nous ne savons pas ce qui influe ou non sur votre passé, notre avenir. Et je me demande... Peut-être êtes-vous déjà venue.

- Vous voulez dire, que quand j'étais élève à Poudlard, et même avant ma naissance... j'avais déjà changé les choses ?

- Exactement, miss Jean. C'est une hypothèse à ne pas exclure. »

Hermione était loin d'être convaincue. Même si l'hypothèse des boucles temporelles s'avérait exacte, ainsi qu'elle en avait fait l'expérience avec Harry lorsqu'ils avaient sauvé Sirius et Buck - Harry ne les avait-il pas déjà sauvé des Détraqueurs la première fois ? -, elle sentait qu'il y avait quelque chose de différent. Nous étions toujours en 1944 et Dumbledore ne devait prendre la décision d'arrêter Grindelwald seulement à la fin de l'année 1945. A moins qu'il y ait des complications et que Dumbledore mette un terme aux agissements du mage noir à la date prévue, il était trop tôt.

Seulement, Dumbledore avait raison. Il n'avait pas sa connaissance du futur. Et pour lui, l'important était le présent, et arrêter l'ascension de Grindelwald pour mettre un terme à son œuvre destructrice. Hermione se contenta donc d'acquiescer, accepta de prendre en charge les cours de métamorphose et prit congé du professeur Dumbledore. En sortant, elle soupira longuement. Le changement était déjà en marche. L'option « ne rien faire » n'était désormais plus viable et s'apparenterait à de la lâcheté. Son erreur de manipulation avec le sablier avait déjà tout chamboulé. Il fallait qu'elle le voie du côté positif, pour ne pas devenir folle. On lui offrait une chance de tout changer, pour le mieux. Il fallait simplement qu'elle n'échoue pas. Du gâteau, n'est-ce pas ? Et elle sentait instinctivement que tout se jouerait dans ce choix entre la vie et la mort de Voldemort. Si elle le laissait en vie, elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour le détourner du Mal. Comment ? Elle ne le savait pas encore. L'idée de devenir amie avec cet assassin lui donnait la nausée. Pourtant, ce serait sans doute le meilleur moyen. Il faudrait le socialiser un peu plus aussi. Hermione faillit éclater de rire rien qu'en y pensant, mais cette envie disparut aussitôt lorsqu'elle pensa à l'autre solution. Le meurtre. Elle avait sans doute déjà tué, indirectement, dans le feu de l'action, au cours d'une des batailles qu'elle avait déjà menées, mais de là à préparer un meurtre de sang-froid... L'ex-Gryffondor ignorait si elle avait ça en elle. Qu'elle décide l'un ou l'autre, ce ne serait pas facile, elle le savait, et elle y avait songé tellement souvent depuis qu'elle était arrivée. Cela la torturait. C'est pour cela aussi qu'elle estimait que Dumbledore n'était pas un lâche parce qu'elle savait très bien au devant de quoi il devait aller, en affrontant Grindelwald. Il ne voulait pas le confronter, risquer de savoir qui avait réellement tué sa petite sœur. Hermione, elle savait que son choix affecterait le futur, et rien de ce que pouvait dire Dumbledore ne changerait cette certitude.

Elle prit néanmoins une décision. Pendant une semaine – non, disons deux –, elle testerait Tom Jedusor. Pendant deux semaines, elle l'observerait et si elle jugeait qu'il était irrécupérable, son choix serait beaucoup plus simple. Simple... façon de parler. Disons simplement qu'elle n'aurait plus de choix à faire. Cette idée lui donnait la nausée. Comment pouvait-elle juger arbitrairement de la vie ou de la mort d'un individu ? Elle se reprit. Ce n'était pas n'importe quel individu. Il s'agissait de Lord Voldemort, le plus grand mage noir de tous les temps, et il n'avait eu aucun scrupule, lui, à tuer des centaines et des milliers d'innocents, victimes collatérales de ses actes ! Elle ne devait pas perdre cela de vue, jamais.

Le Temps, cet InconnuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant