« Nous devons nous y habituer : aux plus importantes croisées des chemins de notre vie, il n'y a pas de signalisation. »
{Ernest Hemingway}
Jedusor observait le professeur Bourdon avec défiance. Il ne pensait pas que cet homme soit dangereux, mais sa familiarité, voire sa condescendance joviale ne lui plaisaient pas. Il n'avait pas pu s'empêcher de le reprendre lorsqu'il avait désigné Miss Jean comme une simple mademoiselle. Il fallait que ce professeur se rende compte qu'il ne tolérerait pas que Poudlard et ses professeurs soient rabaissés, tout aussi gentil qu'il veuille paraître. Cela avait semblé fonctionner, sans dépasser les bornes de la politesse.
Le carrosse dans lequel ils se trouvaient était d'une splendeur à laquelle il ne s'était pas attendu. Pourtant, il y avait quelque chose ici qui ne lui revenait pas. Tant d'esthétisme, cela devait forcément cacher quelque chose, de la laideur qu'on s'efforçait de faire oublier dans la magnificence. Les deux femmes semblaient dupées, bien que Miss Jean tentât de minimiser l'impression que les lieux avaient sur elle. Elle ne disait plus un mot, se contentant de regarder la fenêtre avec suspicion. Tillman, quant à elle, s'exprimait avec enthousiasme, posant une foule de questions sans intérêt au Français.
Jedusor resta de longues minutes, songeur, avant de se lever. Il voulait débusquer la saleté qui devait forcément être quelque part ici. Il n'imaginait pas qu'une école puisse surpasser Poudlard. Cette beauté n'était qu'un leurre, il en était sûr. L'académie Beauxbâtons lui donnait à présent l'impression d'être une Vélane, une de ces femmes splendides mais qui restaient, au fond, de vulgaires créatures lorsque l'on y regardait bien. Il passa devant les tableaux qui ornaient les murs. Quelque chose clochait, et il fronça les sourcils.
« On dirait qu'ils s'ennuient. »
La voix derrière lui avait raison. Les personnages représentés bougeaient à peine, et se regardaient les mains et leurs vêtements, qui avaient été fraîchement repeints. Dociles, il n'y avait pas chez eux la même agitation que celle qui animait les peintures de Poudlard. La scène qu'il avait sous les yeux représentait Thésée combattant le Minotaure dans le labyrinthe du roi Minos de Crète. Thésée dominait la créature, mais sans grande conviction, tandis que le Minotaure se débattait mollement. Une telle œuvre à Poudlard aurait dû être reléguée au fond du château pour éviter le vacarme féroce qu'aurait provoqué ce combat.
« Ils ont l'air... aseptisés, reprit-elle. Toute cette couleur... J'ai déjà lu quelque part que retoucher trop souvent un tableau pouvait endommager l'âme de l'auteur qui s'y trouve. »
Hermione Jean se tenait à côté de lui et regardait la scène d'un air soucieux. Il lui jeta brièvement un coup d'œil, et ne répondit pas. Il ne s'intéressait que peu à l'art et ignorait ce fait. Mais maintenant qu'il était là, il trouvait ce phénomène réellement étrange. Pour sublimer le tableau, les peintres de Beauxbâtons semblaient l'avoir tué. Intéressant... Mais parfaitement inutile. Ce ne serait pas avec des tableaux qu'il conquerrait le monde.
Il se détourna pour observer les autres peintures. Elles dégageaient toutes cette impression d'agonie. Il avait raison. Cette beauté cachait une part de laideur. Et qu'y avait-il de plus laid que la mort ? Il finit par se poster devant la fenêtre, celle opposée à la table occupée par Tillman et le professeur Bourdon. Ce paysage était également un leurre, il l'avait rapidement compris en montant à bord. Il avait clairement sous-estimé les Français. Chez eux, tout leur art résidait dans la tromperie et l'illusionnisme. Peut-être pourrait-il apprendre quelque chose d'eux, tout compte fait ?
Finalement, le carrosse s'arrêta. Le professeur les escorta jusqu'à la sortie, et ils eurent le souffle littéralement coupé devant le palais qui se dressait devant eux. Si Tom n'en laissa rien voir, il devait avouer que s'il s'était attendu à quelque chose du même acabit que la diligence qu'ils avaient empruntée, l'institut de Beauxbâtons en lui-même dépassait l'imagination. Le palais était en verre et étincelait de mille feux sous le soleil, sans qu'on n'en puisse voir l'intérieur pour autant. Le parc, parfaitement entretenu, fourmillait d'élèves qui s'y promenaient et de jardiniers qui taillaient les allées de plantes rivalisant de couleurs. La construction, digne de figurer parmi les plus beaux châteaux de France, était à peine plus petite que Poudlard. L'académie de Beauxbâtons était une œuvre d'art en elle-même.
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Le Temps, cet Inconnu
FanfictionLa guerre est finie depuis trois ans, la vie a repris son cours. Mais après un accident professionnel, Hermione se retrouve en 1944. Son objectif ? Retourner chez elle, sans influencer le futur. La tâche se complique lorsqu'elle rencontre un Tom...