À la seconde attaque surprise, l'armée s'était coupée en deux à son niveau et Bernard ne savait plus où donner de la tête. Au-dessus de lui, les nuages noirs avaient transformé le ciel en ténèbres. Le sang sombre en abondance se figeait sur le sol, les corps et les armes étalés rendaient tout déplacement malaisé. Les lignes avaient été brisées et ils se faisaient déborder. Au milieu de la mêlée, un Granvalais, la chair à vif à maints endroits, avait fondu entre les hommes et fonçait sur lui. Quelle était cette race qui méprisait la douleur ? Il leva son bouclier pour bloquer la hache qui tombait. Le coup était rude, l'équilibre lui fit défaut, il effectua un entrechat pour se ressaisir et le sauvage, emporté par son élan, s'empala son son épée tendue. Avec une brutale maladresse, Bernard s'empressa de la retirer et une flopée d'entrailles se reprendit sur l'herbe drue. Convaincu que cet homme pouvait encore se relever, il lui fendit le crâne de toutes ses forces.
La bataille était totale. Il avait le souffle court. Un instant de trop, son attention fut attirée par un Exinien au sol qu'un homme fauve mordait à la gorge. Un choc brutal sur son casque envoya le prince à terre. Il se retourna l'épée à la main, prêt à se défendre. La tête lui tournait, du sang lui coulait dans les yeux, son ouïe n'était plus que sifflements. Il eut juste le temps d'apercevoir une silhouette fonçant sur lui se faire fendre de haut en bas par une ombre impressionnante. La surprise le paralysait encore et il se sentit soudain tiré vers cette forme colossale.
— Ça va mon prince ? demanda une voix caverneuse
C'était Gudrun, il l'avait relevé pour ne pas qu'il se fasse piétiner et, n'attendant pas la réponse, découpait déjà d'autres ombres agressives. Il faisait place nette.
— Ça... Ça v...
Les muscles du prince déchu se raidirent et avant qu'il ne puisse s'en rendre compte il venait de ficher son épée dans un Grandvalais lancé sur son ami. Le dément portait de longues cornes sur la tête et des grognement terribles sortaient entre ses dents taillées en pointe. Il bougeait encore et n'avait cure de la lame qui s'enfonçait dans son ventre à mesure qu'il avançait ; il voulait tuer. Gudrun l'attrapa par une corne, arracha l'appendice ainsi que la moitié du crâne et le lui planta dans la nuque avec la dernière des brutalités. Bernard regarda le sauvage s'écrouler dans un geyser sanglant et sa cervelle lui tomba sur les pieds.
Derrière eux, s'éleva tout à coup le bruit d'une chevauchée furieuse. Il se tournèrent et virent des corps projetés dans les airs. Au milieu de la masse ennemis se traçait un large sillon que creusait une force irrésistible. Une charge d'exumas, les terribles chevaux mastodonte montés par leurs puissants cavaliers Noromions. Très lents à demarrer, mais inarrêtables une fois lancés. Les autres cavaliers, aux montures plus modestes, harcelaient les flancs avec des va et vient qui isolèrent nombre d'adversaires.
Côté nord, une troupe menée par Darkolès chargeait sur l'embuscade venue de l'étang. Les soldats eurent un instant de répit. Sur le sol les cadavres gisaient. Les uns sur les autres. Sur le ventre, sur le dos. Même si de survivre ils n'avaient pas espérance, pour la première fois, les Grandvalais été pris de panique et avaient tourné le dos. Le massacre était prodigieux et effroyable. Bernard, le cœur emplit de témérité, ne leur laissa aucune chance et hurla :
— À ceux qui fuient la mort aussi !
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Mémoires du Monde d'Omne Tome II
FantasyÀ l'aube d'une nouvelle ère, la mécanique en marche sur le Monde d'Omne annonce les prémices du changement. Les armées du Thésan affluent vers Cubéria répondant à l'appel de Caribéris. L'invasion du Grandval se prépare, mais toute guerre bien menée...