Détention 3/8

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Dès leur réveil, la réalité s'abattit cruellement sur les trois compagnons : leur terrible situation n'était pas un simple cauchemar. L'attente fût longue. La lumière du jour était montée en intensité à travers les aérations de la pièce, mais personne n'était venu les voir ni même leur apporter à manger. Le temps s'écoulait avec la lenteur assommante d'une journée sans but quand des pas résonnèrent dans le couloir. Les personnes qui s'approchait étaient nombreuses et n'échangeaient pas la moindre parole. La porte de la prison s'ouvrit. Des gardes entrèrent un à un, regard confus tourné vers les prisonniers et se placèrent en ligne face à la cellule. Ils étaient dix au total lorsqu'à leur suite, apparu le chef à tête de fouine qui se plaça précautionneusement derrière eux. La troupe avait une attitude circonspecte et leur tentative de faire bonne figure fut sérieusement ébranlée par l'inquiétante inertie d'un sol. Les rats avaient tous désertés. Cela faisait pourtant des décennies que les geôles étaient devenues leur royaume, elles étaient pour eux un mangeoire intarissable, une corne d'abondance qui leur avait insufflé, avec le temps, une confiance confinant à la condescendance. Ils n'y en avait plus un seul et la cause ne pouvait être que sérieuse.

— Les rats ! chuchota l'un des soldats avec anxiété.

— Il se tait ! hurla le commandant d'une voix détimbrée par l'appréhension.

Le couloir fut soudain envahi par un silence gêné. À la surprise de ses deux compagnons, Brankas en profita pour se lever et prendre la parole :

— Messires, l'homme qui vous parle a commis le sacrilège d'entraîner les deux individus qui l'accompagnent dans un terrible tourment. Ils ne le connaissent pas et il a été un fléau pour eux, mais il est le seul fautif. Ces deux braves que voici sont indemnes de toute faute et l'homme qui vous parle est le seul qui doit subir les conséquences des actes odieux qu'il a commit. En aucun cas...

— Il se tait ! Il nous ne nous intéresse pas, le coupa brutalement le gradé pour se redonner de la contenance. Les deux autres ! ils doivent être conduits à l'Éblouissant par la garde impériale.

Ménéryl approcha calmement des barreaux et les gratifia d'un large sourire.

— Le vouvoiement n'est plus de mise ?

Le commandant resta à le fixer la bouche à demi ouverte. L'aplomb de la remarque l'avait surpris et plongé dans un profond dilemme.

— Il ouvre la porte ! hurla-t-il soudain à un soldat en se reprenant.

Un garde s'avança, mais eu un bref instant d'hésitation en voyant Izba se lever pour s'approcher également de la grille.

— Il se dépêche ! aboya à nouveau le gradé, l'Éblouissant attend.

Alors que l'homme en armure enfonçait la clef dans la serrure, les lances de ses confrères s'abaissèrent en direction des deux jeunes guerriers. Ils sortirent sans geste brusques et alors que leur escorte se maintenait à bonne distance, il leur fut indiqué de se diriger vers la sortie. Une autre dizaine de gardes les y attendaient. Ils étaient visiblement pris très au sérieux et c'est entourés par une vingtaine de pointe acérées que les deux compagnons furent emmenés vers l'air libre. Leur retour à la lumière fut douloureux et accentua leur position de faiblesse. Harcelés par la chaleur écrasante, l'éclat aveuglant du soleil et la tension palpable qui régnait autour d'eux, il furent conduits jusqu'aux escaliers qui menaient à la terrasse des religieux. Leur ascension fut pénible, l'air lourd semblait leur coller à la peau, mais ils se réadaptaient doucement à l'extérieur. La montée des marche, peu pratique pour la surveillance des prisonniers, augmenta encore l'énervement au sein de la troupe. Le gradé du se fendre d'un "Ils la ferme ! le cachot au prochain qui l'ouvre !" pour faire revenir l'ordre.

Ils arrivèrent à l'ombre des temples érigés aux quatre coins de l'étage. De forme pyramidale, leurs nombreux étages les élevaient en de hautes tours recourent de statues de dieux et de démons peints avec des couleurs vives. Leurs propositions semblait avoir atteint le faramineux afin de servir de demeures aux dieux eux même. À leurs bases, les rues étaient envahis par une odeur entêtante d'encens. Des eclesiastes aux crânes rasés étaient occupés à pratiquer une série de rites ou à recevoir les offrandes apportées par le commun des mortels. La vie s'écoulait ici selon mécanique bien huilée et, comme conforté par la toute puissance accordé au divin, les garde eux-même semblaient plus sereins. Pour le malheur des deux compagnons, rien ne pouvait distraire un temps soit peu l'attention de leur escorte. Le moment était pourtant venu d'agir, il fallait se tenir prêt jusqu'à ce qu'une occasion se présente. Izba et Ménéryl ne pouvaient parler sans être entendus, mais ils se comprirent d'un simple regard.

Ils furent guidé sur tout l'étage jusqu'à l'escalier qui menait au palais impérial : le point culminant de cette ville montagne, la tête qui commandait au reste du monstre de pierre.

L'édifice n'était pas particulièrement impressionnant par sa hauteur mais il s'étalait en un bloc compact sur tout le sommet. Le mastodonte de brique, entouré par les pinacles bariolés des quatre temples, semblait flotter entre ciel et terre accompagné de ses sentinelles. Un dernier escalier les mena sous une large porte. En la passant, Ménéryl fut prit d'une sensation étrange, comme si la nuit était tombée d'un seul coup. Le parfum de l'encens s'était estompée, l'atmosphère était devenue lourde et se chargea d'une épouvantable odeur de métal en fusion . Il y avait en ces lieu une présence sinistre et écrasante. Elle émanait de toute part, faisait onduler la surface des mur comme si chaque briques avait été imprégnées de son aura malfaisante. Qui était ce Sardan, quelle était sa puissance ? Alors qu'ils remontaient un couloir long et austère, le jeune homme sentit l'abattement et le désespoir l'envahir. Leurs chances s'estompaient à chaque pas, leur avenir se couvrait d'un voile d'incertitude. Il jeta un oeil en direction de son ami, mais celui-ci ne paraissait pas atteint par le mal qui le tenaillait. Il était seul...

Ils marchèrent encore longtemps jusqu'au centre du palais. Leur interminable remontée déboucha sur une grande pièce lourdement décorée. Ses murs, entièrement recouverts de bas reliefs, étaient ornés d'étoffes cramoisies et enrichies de gros galons d'or. Au fonds de la pièce s'élevait une estrade recouverte d'une tapisserie chamarrée de perles et de pierreries sur laquelle s'érigeait un trône massif en argent. Les lampes, les tables, le moindre objet du quotidien était fait des métaux les plus précieux. Quatre femmes portant des corbeilles de fleurs entouraient le siège impériale. D'autres, oisives, discutaient, jouaient, rigolaient dans des poses molles et lascives au milieu de ce luxe effréné. Comme un ultime ornement à la splendeur du lieu, elles étaient toutes parfaitement nues. Sous la lumière vacillante des lampes à huile, parmi cette kyrielle de corps suave, Ménéryl devina la silhouette de Sardan. Il était debout entouré de l'homme illustre et du militaire à l'armure d'or. Les Gueminis étaient dans ses mains, il les maniait tout en discutant. Lorsqu'il s'apperçu de leur arrivée, son visage s'illumina.

Mémoires du Monde d'Omne Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant