Aux lamentations succédèrent les pleurs d'enfant terrifiés, puis des éclats de voix masculines. Au loin, un homme hurla des choses inaudibles et une troupe lui répondit d'une seule voix. Les personnes tout autour s'étaient arrêtées. Elles restaient bêtement statiques et cherchaient vers les haut des indices à l'origine de ce tumulte inquiétant. La foule s'écartait du centre de la rue et Izba profita de l'espace créé pour accélérer. Ménéryl et Brankas en firent autant.
S'éleva soudain le l'echo de métaux qui se percutaient. Aux plaintes et aux gémissements se mêlaient maintenant des râles de douleur. Lorsque les trois compagnons arrivèrent à l'auberge, l'agitation gagnait l'étage des militaires et annonçait des préparatifs exécutés dans l'urgence. Izba passa par l'ouverture qui servait de porte, suivi de Ménéryl. Brankas resta dehors pour faire le guet, il était inquiet.
La tenancière vint directement vers eux le regard apeuré :
— Asargadéens ! Vous... Vous...
Elle devait en savoir long sur ce qui leur était arrivé et semblait tout à fait abasourdie de les revoir. Mais le temps n'était pas au questionnement.
— Notre Amie est-elle ici ? la coupa Izba
— Non... Chez Kéleuce... On croyait les Asargadéens....
Elle n'eut pas le temps de finir, les deux amis avaient déjà détalés.
— Brankas ! hurla Ménéryl à l'adresse de l'archer qui ne les avait pas vu repartir. L'homme à la peau noir ne fut pas long à comprendre et se précipita à leur poursuite. Au troisième et au quatrième résonnait un vacarme où l'anarchie se mêlait à la fureur. Les plans d'Arnipal ne s'étaient vraisemblablement pas déroulés comme prévu. Ça se battait là haut et l'accrochage était féroce. Les rues se vidaient, les gens inquiets commençaient à s'enfermer chez eux et les trois compagnons atteignirent rapidement la masure de Kéleuce. Ils entrèrent, Chunsène s'y trouvait et à coté le vieux sage apeuré par cette irruption soudaine. La soigneuse ne mit qu'un instant à se remettre de sa stupeur se jeta dans les bras d'Izba. Elle fondit en larme et tapait d'un poing emplit de reproches sur le buste du Nohyxois.
— Vous étiez où ? gémissait-elle. Bon sang ! vous étiez où ? j'ai cru mourir d'inquiétude.
— Ce sont tes amis Chunsène ? s'écria Kéleuce affolé. C'est bien eux ? Et dehors ? Que se passe-t-il dehors ? C'est la guerre civile ? Ça a commencé ?
— Oui monsieur, intervint Ménéryl, et nous n'avons pas le temps pour plus d'expliquation. Chunsène reprend toi nous devons partir. L'homme qui est avec nous se nomme Brankas, il va nous accompagner. Ne pose pas de question, on doit déguerpir et tout de suite.
La jeune femme s'écarta d'Izba et s'essuya les yeux. Elle ne connaissait pas la situation mais sentait une urgence critique. Elle se reprit et annonça d'une voix ferme :
— Mon oncle vient avec nous, il faut le transporter !
— Oooooh, on ajoute des contraintes à la difficulté, des complications aux ennuis, s'emporta Brankas. Nous avions peu de chance de survie, les voilà réduites à néant !
— Alors allez-y ! je reste ici avec lui, advienne que pourra !
Izba soupira :
— Bon qui se charge de porter Kéleuce ?
— Brankas ! il vaut mieux que ce soit toi, trancha Ménéryl.
— Je ne voudrais pas donner l'impression d'être mauvaise volonté, mais cette décision est mal réfléchie jeune homme. Le scénario le plus probable est celui d'un affrontement face à plus nombreux que nous. Je suis le seul ici à manier une arme qui tue à longue distance, quant à Izba, sa technique à deux sabres et sans aucun doute la plus efficace pour des combats à un contre plusieurs. C'est toi qui devrait le porter.
— On n'a pas de temps à perdre Brankas, on a vu comment tu maîtrisais ton arme, qu'importe que tu puisse tuer de loin si tu ne touches pas l'ennemi. Avec une épée je serais plus efficace que toi !
— Aucune chance, l'épée d'Arnipal est en or, c'est très bien pour faire joli mais elle pliera au premier choc.
Ménéryl ne su quoi répondre, il n'avait jamais utilisé d"épée en or et fut soudain assailli par le doute.
— L'homme qui vient de parler à raison, intervint Kéleuce, les armes en or ne servent qu'à l'apparat.
Puis s'adressant à Chunsène il ajouta :
— Si nous devons tous partir, je veux que tu prennes le couteau qui se trouve sur la table, ma nièce. Se rendre au port ne va pas être une mince affaire, je doute de nos chances alors il faut au moins que tu aies quelque chose pour te défendre.
— C'est hors de question, jamais ! je préfère encore mourir que nuire à un autre humain.
— Oui je connais le serment des médicis ma nièce, mais je ne viendrais pas avec vous si tu ne peux te défendre correctement. Ça serait une aberration que tu perdes la vie pour sauver un vieillard qui n'en a plus pour longtemps de tout de façon.
— Chunsène prends ce couteau ! réagit vivement Ménéryl. Je vais porter Kéleuce, si les choses dégénèrent, tu pourras toujours me le donner puisque mon épée est bonne à jeter.
Hâtée par le temps, la jeune femme soupira et se résigna. Elle s'approcha de la table et se saisit d'un long couteau qu'elle fit passer sous sa robe.
Alors que Ménéryl s'accroupissait pour que le vieux sage se hisse sur son dos, Brankas s'approcha pour les aider et lui chuchota :
— Tu n'as pas l'air très au fait des coutumes de ce monde et je vais peut-être prononcer une évidence pour toi, mais je préfère me débarrasser d'un doute. Cette épée... Bon, elle sert à rien pour le combat... Enfin ne la jette pas quand même. C'est un véritable trésor, ça vaut une fortune. Si on s'en sort, tu pourras la revendre et acheter une arme digne de ce nom.
Le jeune homme acquiesça de la tête avec cette légère latence qui confirma à l'archer que son intervention n'avait pas été inutile. Puis il se redressa et déclara :
— On y va ! Izba tu passe devant, Brankas, à l'arrière et Chunsène tu reste à mes côtés. Le Nohyxois sortit de la petite maison sur ses gardes et rassura les autres d'un signe de la main. Ils le rejoignirent sans perdre de temps, à l'extérieur, les rues étaient complètement vides. Au troisième et au quatrième étage, les bruits d'assauts et de massacres avaient gagné en intensité. Des incendies illuminaient la nuit et, sur l'escalier qui menaient au niveau des marchands, se déversait une foule lancée dans une lutte à mort. Les combats se rapprochaient des civils. Les ruses architecturales de Sydruk pour compliquer les invasions allaient faciliter leur évasion. Les marches qui menaient à l'échelon des artisans se trouvaient à l'opposé des conflits. Ils reprirent leur route dans les allées sombres et désertes, ralenti par le fardeau que Ménéryl avait à porter. Mais Kéleuce était d'une maigreur extrême et le jeune homme n'était pas trop entravé par ce corps qui ne pesait rien.
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Mémoires du Monde d'Omne Tome II
FantasiÀ l'aube d'une nouvelle ère, la mécanique en marche sur le Monde d'Omne annonce les prémices du changement. Les armées du Thésan affluent vers Cubéria répondant à l'appel de Caribéris. L'invasion du Grandval se prépare, mais toute guerre bien menée...