ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟞

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Ce qui m'a plu en premier, c'était son sourire. Le genre de sourire sincère qui donne envie de faire pareil. Il avait aussi un rire communicatif, qui amenait souvent à ce que je ris aussi. Désormais, je ne ris plus. Je ne souris plus. Je ne fais que fixer un point dans le vide. Ce n'est pas comme si j'avais maintenant l'intention de faire quelque chose de ma vie.

Ça fait trois jours que Grégoire est mort. Ça fait trois jours que j'ai l'impression que n'être plus qu'une coquille vide. La solitude me bouffe littéralement et ce n'est pas Shepard qui m'aidera à me changer les idées. C'est un chien.

Quelqu'un toque à la porte. Quelqu'un qui insiste lourdement et fait aboyer Shepard. Je ne prends pas la peine de me lever du canapé et me retourne sous ma couverture.

— Armand, ouvre la porte ! Je sais que t'es là !

Je pose l'oreiller sur ma tête et tente de me faire le plus discret possible. Mon téléphone portable vibre sur la table basse. Alexandre est entêté au possible. Il réessaie de nombreuses fois, sans vraiment savoir combien exactement.

Je sais très bien que je l'agace. Mais je suis comme ça.

Je l'entends descendre les marches du perron et il ne quitte pas le terrain comme j'osais l'espérer. Il marche carrément dans le jardin. Shepard s'amuse à le suivre à travers les fenêtres en geignant et remuant la queue, heureux de voir quelqu'un qu'il connaît. Puis il court jusque dans la véranda, la salle d'art de Grégoire. Je n'ai pas davantage mis les pieds dans cette pièce que dans notre chambre depuis ce soir-là. J'entends la porte donnant sur le jardin s'ouvrir et je m'assois aussitôt en apercevant Alexandre arriver devant moi, l'air contrarié.

— Armand, il faut vraiment qu'on parle, insiste-t-il.

— Casse-toi.

Mon ami fait la sourde oreille et tente de se rapprocher de moi. Je lui défends de s'approcher en lui lançant mon oreiller, qu'il esquive sans problème.

— T'es obstiné, mais moi aussi figure toi.

— Barre-toi de chez moi ! grondé-je.

Je lui balance tout ce que je trouve sous la main, mais il s'écarte à chaque fois de ma ligne de mire. Il finit par m'atteindre et attrape mon poignet, me forçant à me mettre debout.

— Arrête de faire ta tête de con !

— Lâche-moi !

Je me débats, sans avoir la force de le repousser pour autant. Je suis à bout et il le sait parfaitement.

Sa main me relâche et il me prend dans ses bras, sans que je le lui demande. La soudaine chaleur de son corps contre le mien me fait plus de bien que je ne pouvais l'imaginer.

— Je sais que tu souffres... chuchote-t-il contre moi. Et je suis désolé de ne pas savoir quoi faire pour t'aider à aller mieux.

Mes paumes tremblent sous son contact. Son étreinte ne desserre pas et j'ose lever les bras pour me raccrocher à lui. Il me serre plus fort et je cache mon visage contre son épaule pour dissimuler au mieux les larmes que je retenais depuis trop longtemps. Sans succès. Je finis par éclater en sanglots contre lui, sans me retenir. Ça fait si mal. Mon cœur me fait si mal. Je n'ai même plus la force de tenir debout. Je me laisse tomber dans ses bras, lui m'entraînant par terre pour ne pas basculer en arrière.

— Pourquoi ? Pourquoi lui ? sangloté-je.

Il renifle et repose sa tête contre la mienne, sans rien dire. De toute manière, aucune réponse ne me conviendrait.

On reste comme ça de longues minutes, sous le regard intrigué de Shepard qui doit se demander ce que l'on fait assis par terre.

— Et je me posais la question, mais Shepard a quoi à la patte ?

AubadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant