On est assis sur chaque extrémité de son canapé, chacun une tasse de café dans les mains. Je ne sais pas lequel de nous deux à le plus besoin de cette distance. Avant, on n'en était jamais arrivé à cette extrémité, même quand on se disputait. Pourtant, je me sens incapable de faire autrement aujourd'hui. Je suis parti huit mois sans le prévenir. Un simple message à Guillaume et c'était tout. Je ne sais pas comment débuter la conversation avec lui sans que celle-ci ne doive s'envenimer.
— Tu veux commencer ou je le fais ? demande-t-il finalement. Parce qu'à ce rythme là, on est encore là demain.
Je me pince nerveusement les lèvres. Puis repose la tasse encore pleine sur sa table basse. Je dois lui dire comme je l'ai fait avec les autres, mais ça me semble bien plus compliqué que prévu. Surtout quand je le vois me regarder avec cette déception dans les yeux.
— Je suis désolé, Alex. D'être parti et d'avoir été un enfoiré.
Il repose à son tour la tasse et repose ses coudes sur ses genoux.
— T'es parti sans rien me dire. Rien. Même pas un message.
— Je sais que j'aurai dû le faire...
— Alors pourquoi tu l'as pas fait ?
— Parce que je voulais pas t'infliger ça.
Il se lève, excédé. Je n'avais jamais connu cette colère en lui. Surtout à mon égard.
— Deux cent quarante-trois.
— Quoi ?
— T'es parti deux cent quarante-trois jours, Armand. Ouais, j'ai compté. Et je n'ai jamais eu de nouvelles. À un moment, j'ai cru... J'ai cru que t'étais mort. Et tu dis que tu ne voulais pas m'infliger ça ?
— J'avais prévenu Guillaume... Et toi aussi, t'es parti, je te signale.
On en vient à s'accuser mutuellement comme des enfants. La situation est tellement pathétique. Sa main passe sur son visage et son sourire me tord l'estomac.
— Quand je suis parti au Canada, il ne s'est pas passé une seule seconde sans que je pense à toi et au fait que je t'avais laissé. Ça m'a bouffé de l'intérieur. J'ai voulu te demander pardon de t'avoir abandonné au moment où tu avais le plus besoin de moi. Et j'ai cru que tu l'avais fait, que tu m'avais pardonné. Finalement, tu m'as fait subir la même chose. Même plus longtemps pour être sûr que je m'en souvienne.
Il se trompe lourdement sur la raison de mon départ. Il pense que c'est simplement pour me venger de lui et de ce qu'il m'a fait. Alors que ce n'est rien de tout ça.
— Alex, j'avais besoin de partir, tenté-je de lui expliquer. Loin de tout ça, de ma vie. Je voulais oublier mon existence quelques jours. Puis les semaines ont passé. Et les mois...
Son amertume redescend peu à peu en intensité.
— Mais vous me manquiez trop. Tu me manquais. Mon meilleur ami me manquait, ajouté-je.
Il se gratte nerveusement la tête et me sourit. Et je suis un peu plus heureux en le voyant s'asseoir à côté de moi, bien plus près que précédemment. Il me gratifie d'un léger coup d'épaule.
— À ce point-là ?
— Il n'y a qu'un Alex dans tout l'univers.
— Donc notre amitié n'est pas encore foutue ?
— Y a pas intérêt.
Ces quelques mots le font sourire.
Sa tête se repose sur mon épaule et je m'apaise un peu. Une vie sans lui m'est inconcevable. On est redevenu ces gamins bousillés par la vie et terrifiés de devoir mettre un pied devant l'autre en espérant ne pas se casser la gueule en cours de route.
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Aubade
Lãng mạnPour Armand, il n'était qu'aux prémices de son histoire avec Grégoire. Les deux hommes avaient encore tellement de choses à faire et à vivre. Ils avaient encore tellement de temps pour s'aimer. Mais le destin peut être si cruel... Grégoire est parti...