ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟚𝟜

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Je me retrouve comme un idiot au milieu de la gare, mon sac sur le dos et ma valise à la main. Tout le monde est heureux de pouvoir passer des vacances en famille, mais pas moi. Je préférerais mille fois être seul plutôt qu'avec eux. Je m'avance vers le parking, traînant des pieds pour rejoindre mon géniteur. Armand sait que l'on ne pourra pas se voir avant plusieurs mois et imaginer passer autant de temps sans lui m'attriste. C'est avec lui que je devrais passer ces vacances.

Mon père ne m'offre aucun signe tendre d'affection comme son rôle lui demanderait de faire et se contente de me saluer solennellement. Un caillou serait plus aimable. Je grimpe avec lui dans la voiture après avoir rangé mes affaires dans le coffre. Il ne me pose aucune question sur ma vie là-bas, les amis que je me fais ou les résultats de mes derniers devoirs. Ma vie ne l'intéresse plus.

Bien trop vite arrivé à mon goût, je n'attends pas que mon père coupe le moteur après s'être garé dans l'allée pour grimper dans ma chambre. Je ferais des efforts pour saluer tout le monde après. La solitude me convient très bien pour le moment.

Ma mère nous appelle tous à table. L'angoisse grimpe soudainement et grogne au creux de mon ventre. Je tente de reprendre mon souffle pour quitter mon coin. Dans le couloir, Christophe me sourit en sortant de sa chambre. Mon frère, mon aîné, celui qui devait toujours prendre soin de moi et qui est devenu mon bourreau. Celui qui ne s'est jamais gêné de faire de ma vie un enfer depuis mon coming-out. Je m'assois comme tout le monde autour de la table et remercie ma mère d'avoir cuisiné. Elle m'offre un pauvre sourire et reprend sa place à côté de mon père. Je la plains d'avoir épousé un homme comme lui.

Personne ne parle. Ma présence semble leur avoir retiré toute envie de discuter comme devrait le faire toute famille censée. C'est finalement ma mère qui décide de prendre la parole après avoir bu son verre d'eau.

— Tout va bien à l'école ?

— Je m'en sors. Et les gens sont plutôt sympas, ajouté-je en mentant ouvertement.

— C'est bien mon chéri...

En tant que mère, est-ce qu'elle ne devrait pas voir à quel point je vais mal ?

— Qu'est-ce que tu as au visage ? me demande-t-elle doucement.

— Rien...

— Quand on te pose une question Grégoire, tu réponds, réclame sèchement mon géniteur.

— On m'a frappé, craché-je. Satisfait ?

— T'es incapable de te défendre, petit frère ? rit Christophe. C'est à force de sucer la bite de cette pédale que tu as perdu tes couilles ?

Je me lève, faisant tomber ma chaise par terre. Personne ne prendra ma défense. Même Laura, qui s'est toujours donné le devoir de nous protéger.

— Ta gueule ! Je t'interdis de parler de lui comme ça !

Mon père frappe la table et m'ordonne de m'asseoir et de me taire. Je ne lui ferai certainement pas ce plaisir.

— Non ! J'en ai ras le bol de vous tous ! Tout autant que vous êtes, vous ne faites aucun effort pour faire semblant de m'aimer. Avant, j'étais un petit garçon un peu timide, mais qu'on adorait. Et depuis que j'ai osé vous faire l'affront de vous dire que j'aimais un garçon, l'apocalypse s'est déclenchée ! À croire que j'aurais mieux fait de me jeter sous un train ! Ou que maman aurait dû prendre la peine d'avorter plutôt que de me mettre au monde !

Mon père se lève et il me lance un regard noir. Sa paume vient s'abattre contre ma joue avec violence. Au fond, je l'attendais ce coup.

— Va dans ta chambre ! braille-t-il.

AubadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant