ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟜𝟠

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Je feuillette le magazine de décoration posé sur la table basse en sentant le regard imposant de mon psychologue sur moi.

— Vous êtes plutôt silencieux. Vous voulez qu'on en parle de ce qu'il s'est passé ?

— Du fait que je me suis encore fait rejeter parce que je suis un connard ? demandé-je sans lever les yeux des meubles photographiés. Ou du fait que mon meilleur ami ne voit pas d'un très bon œil cette relation et qu'il est horriblement jaloux ?

Un rire m'échappe. Et je me redresse pour me rendre compte de la réaction de mon médecin. Mais fidèle à lui-même, il n'a pas bougé d'un pouce et tient toujours entre ses mains son carnet et son stylo.

— Si vous voulez. On peut parler de ce que vous voulez.

— Sébastien m'a rejeté. Encore.

— Ça vous affecte ?

— Évidemment ! Je... J'ai fait une erreur. Je suis parti le voir à son boulot simplement pour lui faire une surprise, lui montrer que je tiens à lui, mais il y avait Ulrick. Et son fils a très vite compris ce qu'il se passait. Sébastien n'a même pas pu tout lui expliquer. L'adolescent pense que c'est de ma faute. Que c'est moi qui ai rendu son père comme ça.

— Pourtant, c'est faux.

— Je sais, mais je suis censé expliquer comment à un père et son fils que c'est pas une foutue maladie qui se transmet ?

Il affiche un sourire bienveillant et se lève pour récupérer un nouveau magazine de décoration. Avec des meubles de jardin, cette fois-ci. Je le remercie et tourne les pages en m'attardant sur les pages de plantes aromatiques.

— Je pense que le temps et la volonté sont de bons alliés. Mais n'oubliez pas que rien ne vous oblige à changer à tout prix la mentalité des gens. C'est terriblement triste, mais certaines personnes n'accepteront jamais l'homosexualité.

— Mais Sébastien est gay... On... On s'aime.

— Comme votre famille, peut-être que la sienne n'a jamais supporté cette idée. Plus jeune, vous aviez vos amis et Grégoire pour vous soutenir. Des personnes que Sébastien n'a sûrement pas eu la chance d'avoir.

Je m'arrête devant la photographie d'un couple accompagné de deux enfants, prenant leur déjeuner dans son jardin. La famille parfaite n'existe que dans les magazines. La mienne était particulièrement loin de celle aimante et compréhensive.

— J'aimerai qu'Ulrick m'accepte.

— En tant qu'homosexuel ?

— Compagnon de son père. Je veux qu'il comprenne les sentiments que j'ai pour Sébastien et que s'il ne le conçoit pas...

— Vous voudriez que Sébastien choisisse entre vous et son fils ?

— Non. Et puis je sais parfaitement qu'il choisira son fils. C'est ce que moi, je ferai si j'étais à sa place...

Ma main essuie ma joue. Ulrick est son fils, son petit garçon. Et moi, je ne suis que moi. Je n'ai pas plus de valeur dans sa vie qu'une passade. Bien qu'il a essayé de me persuader du contraire.

— Malheureusement, je ne connais pas Sébastien, avoue mon médecin. Mais je pense que vous êtes en droit d'avoir des explications. Au moins pour comprendre pourquoi il vous a repoussé suite à la réaction de son fils.

Je tourne la page du magazine et hoche la tête. Je vais devoir trouver un moyen de lui parler afin d'obtenir des explications. On ne peut pas s'être avoué nos sentiments pour au final les jeter à la poubelle parce qu'Ulrick ne les accepte pas.

AubadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant