ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟙𝟟

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Je suis idiot d'avoir ressorti toutes ces photos, mais revoir Grégoire me fait du bien après cette semaine interminable. La gueule de Shepard sur mes genoux, je tourne les pages de l'album sur la table basse, m'attardant sur les images, essayant de me souvenir de ces journées. Chacun de ses sourires me comprime un peu plus le cœur.

Shepard se redresse soudainement en grognant, me faisant sursauter. Il descend du canapé pour aboyer contre la personne qui toque contre la porte d'entrée. Je me lève pour voir qui peut bien chercher à me parler un samedi soir.

Je me retrouve devant les deux personnes que je n'avais absolument pas envie de voir. Mais poliment, je les invite à entrer après les avoir salués. La sœur de Grégoire pénètre en première dans le salon et observe tout autour d'elle avec attention. Elle n'était jamais venue chez nous. Christophe reste en retrait, manifestement fâché.

Shepard, non content de la présence des invités, préfère attendre sagement dans son panier pour pouvoir reprendre sa place sur le canapé. Il devra patienter le temps que je parle avec la fratrie ou que je les mette dehors. Et j'ai une très large préférence pour le second choix.

— Vous voulez un café ? leur proposé-je poliment.

— Oui, merci, je veux bien un décaféiné, confirme Laura. C'est gentil.

Christophe se contente d'un hochement de tête. Je fais tous les efforts du monde pour ne pas les chasser immédiatement et prends le temps de leur préparer chacun une boisson chaude. Je reviens vers eux avec les tasses et Laura me remercie avec un léger sourire, assise à mon ancienne place.

— On n'a jamais vu ces photos !

Elle fait défiler les images de son frère.

— Il avait l'air tellement heureux...

Christophe émet un rire mauvais.

— Bon sang... Arrête de croire à ses conneries !

— Chris...

Il se retourne vers moi, le regard accusateur.

— Si Grégoire était si heureux avec toi, vous seriez encore ensemble aujourd'hui.

Je presse le poing. Je me retiendrais de lui en coller une ici, chez nous.

— Vous seriez même mariés et auriez des enfants, reprend-t-il sèchement. Mais à cause de toi, de ton idée de stupide de vivre seul avec lui, mon... mon petit frère est mort !

Mon poing me démange affreusement. Notre relation ne concernait que nous et certainement pas lui.

Laura soupire lourdement et repose la tasse sur le bois.

— Ça suffit maintenant ! s'énerve-t-elle. J'en ai plus qu'assez de t'entendre dire des choses pareilles. Ce n'est en rien de la faute d'Armand ce qui est arrivé à Grégoire !

Christophe s'indigne que sa sœur ne prenne pas son parti.

— Sors de cette maison, sinon, c'est moi qui te sors.

Christophe veut répliquer, mais le regard de sa sœur le dissuade de le faire.

— Tu perds rien pour attendre, s'adresse-t-il à moi.

Il me rend le mug et claque la porte d'entrée derrière lui. Je me retrouve seul avec Laura, au bord des larmes.

— Désolé. Mon frère est... Il a un sale caractère.

Elle s'essuie les joues de sa main libre et replonge dans l'album.

— Comment... Comment il était ? commence-t-elle en relevant la tête. Je veux dire... Grégoire, il... il était heureux ?

AubadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant