Deux semaines. Ça fait deux semaines que Grégoire a été enterré. Et autant de temps que je me sens incapable de faire quoi que ce soit. J'ai beau chercher une détermination, elle disparaît à chaque fois que j'imagine mon avenir sans lui.
Quand nous étions plus jeunes, on ne concevait pas d'avenir l'un sans l'autre. On se voyait vieillir ensemble dans cette maison avec des chiens. Notre endroit à nous, loin de nos familles qui nous détestent.
Je me tourne dans le lit, vers sa place. Personne ne peut comprendre cette douleur sans l'avoir vécu. Cette douleur de devoir se battre simplement pour respirer alors que celui que l'on aimait le plus au monde nous a quittés.
Je tends le bras vers mon téléphone et vérifie l'heure. C'est aujourd'hui que je reprends le boulot. Heureusement qu'Alex sera là pour m'épauler. Je repousse la couette, quitte le lit et ouvre mon armoire pour récupérer de quoi me changer. Mon regard est attiré par le côté réservé à ses affaires. Je repose mes vêtements sur le lit et glisse la porte du meuble pour vérifier le contenu. Tout est à sa place et parfaitement plié. Mon côté fait un peu bazar en comparaison. Je passe mes doigts sur les tissus en tentant de me souvenir à quoi il ressemblait avec. Au fond de ses pulls, je retrouve l'un des miens, roulé en boule que je pensais avoir perdu. Je le ramène contre mon torse et me rends compte que le lavage l'a certainement fait rétrécir. En tout cas, je ne peux plus le mettre. Je me laisse tomber sur le lit et caresse le vêtement avec mon pouce. Il n'a jamais osé me dire qu'il l'avait lavé à la mauvaise température, prétextant qu'il l'avait perdu.
Je le plie correctement et le repose au-dessus des miens. Puis je prends un vieux sweat que Grégoire mettait pour traîner à la maison, un de ceux baptisé avec de la peinture. Je repose mon nez dans le tissu avec un sourire. Il sent encore un peu son odeur.
Je pars prendre une douche rapide et me retrouve face à mon reflet dans le miroir. L'homme que je vois n'est plus moi. Grégoire a emporté une part de moi avec lui. Quelque chose que je sais ne jamais pouvoir retrouver.
Je retrouve Shepard dans la cuisine, qui me saute dessus pour avoir son repas, qu'il engloutit en un quart de seconde. Après, il me supplie de lui ouvrir le jardin et je le laisse aboyer derrière les oiseaux pendant que mon téléphone sonne au même moment. Je le récupère et laisse le numéro inconnu. Si c'est réellement important, la personne laissera un message. Ne voyant pas de message s'afficher, je décide d'appeler Alex pour le prévenir de mon retour.
— Allô ?
— Salut, je t'appelle pour te prévenir que tu seras pas seul aujourd'hui.
— Ah ! C'est cool. Les gamins vont être contents de te revoir. Mais tu... Enfin, tu te sens en état de revenir ?
Je sais qu'il s'inquiète encore pour moi.
— Faut surtout que je me change les idées. Si je continue de ruminer ici, je sens que je vais...
Ma voix se perd dans un souffle. Il est dans chaque petit recoin de cette maison. Notre maison.
— Tu sais que si tu ne te sens pas de rester seul chez toi, tu peux venir à l'appart. Shepard est aussi le bienvenu.
J'observe mon chien depuis le jardin qui renifle chaque petite touffe d'herbe.
— C'est sympa, mais je ne vais pas m'imposer avec mon ours.
Il rit un peu et je l'entends refermer une porte.
— Tu t'imposes pas et Shepard n'est pas si gros que ça. C'est pas tout, mais j'ai des mini baigneurs à surveiller. À tout à l'heure.
— À tout.
Je fais revenir Shepard à l'intérieur et il commence à pleurer en me voyant récupérer mes affaires et mettre mes chaussures. Je le rassure avec des caresses. L'entendre gémir en me voyant partir me fait mal. Il ne pleurait jamais avant, puisque Grégoire était la majorité du temps avec lui. Maintenant, Shepard fait aussi les frais de son absence.
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Aubade
Roman d'amourPour Armand, il n'était qu'aux prémices de son histoire avec Grégoire. Les deux hommes avaient encore tellement de choses à faire et à vivre. Ils avaient encore tellement de temps pour s'aimer. Mais le destin peut être si cruel... Grégoire est parti...