ℂ𝕙𝕒𝕡𝕚𝕥𝕣𝕖 𝟝𝟜

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Ça me fait bizarre de devoir imaginer que toutes ces peintures ne seront plus dans l'atelier. Que je ne serais plus le seul à pouvoir les admirer. Ce qui est aussi bizarre, c'est le fait que la maison finit de se vider. J'ai eu du mal à me faire à l'idée que je finirai par partir complètement un jour, mais m'en rendre compte est encore plus dur.

Shepard me rejoint dans l'atelier et renifle un peu les peintures, quelques pinceaux. Je ne sais pas ce qu'il cherche et il ne semble pas le trouver.

— Tu es sûr de vouloir les donner ?

Je me retourne vers Sébastien, qui porte un carton dans les bras. Je me rapproche de lui pour prendre la boîte et le remercier.

— Oui. Je ne vais pas les laisser ici ou les cacher dans un vieux garage.

— C'est toi qui vois, je te l'ai dit.

Simbad se met à suivre jusque dans l'allée, là où je dépose le carton avec les autres.

C'est la dernière fois que je dors ici. La dernière nuit, que je passe dans cette maison, celle où je voulais construire mon avenir avec Grégoire.

— Tu es sûr de toi ?

Je vois bien que Sébastien est inquiet pour moi. Je suis presque attendri de l'attention qu'il me porte, qu'il porte pour une chose qu'il devrait détester.

— Ce couple a l'air génial. Ils prendront soin de cette maison. Et puis vu qu'ils ont l'intention d'avoir des enfants, elle ne peut être faite que pour eux.

— Tant que tu es sûr de toi, c'est tout ce qui compte.

— Pourquoi tu me penses si incertain ?

— Tu aimes cet endroit. Alors je comprendrais que tu aies du mal à la vendre.

Je range les derniers cartons dans ma voiture et ferme le coffre. Mes deux chiens m'entourent, curieux de savoir où l'on pourrait aller.

— Sébastien, je ne peux pas faire comme si ça ne me touchait pas. Mais je peux faire en sorte que cela soit le plus facile possible. Et puis l'idée de pouvoir vivre avec toi ça m'aide pas mal.

— Je voulais te parler de ça, aussi.

Je fronce les sourcils, perdu.

— Comment ça ?

— Tu ne penses pas qu'on va un peu vite ? On en a bavé tous les deux pendant un certain moment et peut-être que... emménagé ensemble, si vite, n'est pas une bonne solution.

— C'est toi qui m'a proposé en premier.

— Je sais. Je ne regrette pas de l'avoir fait. Mais je pensais que tu voudrais peut-être un endroit à toi avant de passer à cette étape.

Je retourne à l'intérieur, pour vérifier que je n'ai rien oublié. Les deux chiens doivent trouver la maison bien vide.

Je comprends les craintes de Sébastien. Le début de notre relation n'a pas été des plus simples alors il est normal que l'on veuille faire les choses correctement.

Sébastien vérifie que le frigidaire soit bien vide et nettoyé avant de le refermer.

— J'aime l'idée de pouvoir vivre avec toi, Armand. Mais je veux que tu sois absolument sûr de toi. Je détesterais un jour me réveiller dans un lit vide avec juste un mot posé sur l'oreiller où il est écrit que tu es parti.

— Je ne te ferais pas ça.

Son regard me fait comprendre que si, j'en suis capable. Je l'ai bien fait par le passé. Je me rapproche de lui et prends ses mains entre les miennes.

— Si tu savais combien de choses, je regrette. Mais aujourd'hui, je suis sûr que c'est avec toi que je veux vivre. Même si cette maison va me manquer, je suis prêt à vivre n'importe où, tant qu'on est ensemble. Parce que je t'aime.

Il se pince les lèvres et relève la tête pour me sourire.

— T'es un sacré phénomène...

— On me l'a souvent dit.

Il me vole un casier et je relâche ses mains pour le laisser inspecter les derniers placards. Je repars dans l'atelier et étale un vieux drap sur le sol pour y déposer les premières peintures. Elles trouveront bien une place dans cette petite galerie. Et au pire, elles resteront chez Audrey. Dans la boutique d'art, elle saura quoi en faire.

Je les recouvre du reste de drap et les soulève pour les déposer dans la voiture. Les larmes me montent aux yeux quand je ferme la portière. C'est tout ce qu'il restait de lui dans cette maison. Maintenant, elle n'est plus à nous.

Une main se pose sur mon épaule et mon dos se réchauffe. Je sèche mes larmes. Je le remercie. Il peut enfin partir. Je sais que je peux être heureux sans lui. Bien qu'il m'ait fallu beaucoup de temps pour m'en rendre compte.

Sébastien fait grimper mes chiens à l'arrière dans la voiture. Il s'appuie contre la portière passagère et m'observe tendrement.

— Tu es prêt ?

— Oui. On y va.

Tous les deux assis dans la voiture, Sébastien presse doucement ma cuisse et j'attrape sa main pour pouvoir y déposer un baiser. Si moi, j'ai la chance de pouvoir continuer à vivre avec celui que j'aime, je ferais en sorte que Grégoire puisse donner ce qu'il n'a jamais pu offrir au reste du monde. Il a le droit de vivre encore un peu plus longtemps.

AubadeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant