Rêve.

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Je jetai la boisson que je lui avais gentillement préparé puis laissé refroidir sur le plan de travail et allai à l'étage.

En entrant dans mon ancienne chambre, je me rendis compte que celle-ci avait été transformée en débarras. Adieu mes posters de boys band, ma collection de peluches et mes vieux carnets... Même la peinture bleue ciel avait disparu pour faire place à une tapisserie démodée. Résignée, je me dirigeai à contre cœur vers celle de ma mère. La porte grinça lourdement pendant une éternité, ce qui ne manqua pas de me faire frissonner. J'étais plutôt froussarde à vrai dire. Et cette vieille baraque me donnait la chaire de poule. Au moins, cette pièce là était plus ou moins propre, et à part secouer les draps, je n'avais pas grand chose à y faire. Mais une fois prête à me glisser sous les couvertures une pensée me vint comme une piqûre de rappel. C'était le lit de ma mère.

- Bonté divine ... Est ce que je sais où elle est ...

Je me relevai précipitamment et regardai le matelas en époustant mon vieu pyjama. Était-elle décédée dedans ? Quelle horreur ! Comment pouvais-je dormir là dedans ? Et si ... Mais non. Les fantômes n'existent pas !

- Bon d'accord. Hors de question que je dorme ici cette nuit. Me dis-je en tremblotant.

Je redescendis prendre mon sac à main et louai une chambre au motel du coin.

J'avais pris soin de prendre de quoi manger sur la route : un club sandwich et un ou deux... Ou trois paquets de gâteaux et assise sur le lit, je me goinfrai de  chocolat tout en scrutant l'écran de mon téléphone. Pendant quelques instants j'eus la désagréable sensation d'avoir oublié quelque chose d'important. Mais impossible de me rappeler de quoi il s'agissait. Au moins, dans ce motel, je ne risquait pas de tomber sur le spectre de ma mère qui reviendrait me hanter... Même si je ne croyais pas aux fantômes. En tout cas pas assez.

Ce fut en plein milieu de mes réflexions que mon téléphone se mit a sonner. Le nom d'Éric s'afficha à l'écran.

- C'est pas vrai ! M'écriai-je. Je l'ai complètement oublié !

Éric. Mon petit ami. En tout cas pour l'instant et j'espérais de tout coeur que notre relation allait durer. Peut-être qu'un jour nous seront fiancés ? Après quatre ans de relation, pourquoi pas ? Malgré mon sursaut, j'étais plus qu'heureuse de recevoir cet appel. Seul l'élu de mon coeur pouvait désormais me remonter le moral. Entendre sa voix avait quelque chose de rassurant. Il était bien ce genre de personne. Stable. Rationnel. Organisé. Tout le contraire de moi. C'était d'ailleurs ce qui m'avait tout de suite attiré chez lui, après son physique de beau gosse à peine sorti de l'université. Pour beaucoup, il était plat et ennuyeux à mourir. Il était vrai qu'il aimait la routine et laissait peu de place à la spontanéité, mais il était d'une gentillesse et d'une patience à tout épreuve. Et pour moi, toutes ses qualités valaient plus que tout, car ce caractère constant était ce dont j'avais le plus besoin, même si ma meilleure amie, Amélia, le détestait au plus haut point. Je racontai donc à Éric ma journée, et m'excusai mille fois de ne pas l'avoir prévenu plus tôt.

- J'aurais vraiment voulu que tu sois là... Finis-je, presque émue.

- Mh. Oui moi aussi.

- Je vais payer ma contravention en envoyant le chèque par courier. Ça devrait pas arriver trop tard vu la taille de cette ville... Grommelai-je.

- Oui, tu fais bien. Bon je te laisse. Je suis fatigué. Bonne nuit.

Je n'eus pas le temps de répondre qu'il avait déjà raccroché. Étrange. Il devait sans doute être vexé. Je laissai tomber mon téléphone sur le matela et m'allongeai en fixant la vieille peinture verte et opaque de ma chambre. Eric m'en voulait sûrement  pour avoir brisé sa routine. Je soupirai lourdement, puis m'endormis en pensant au ménage monstrueux qui m'attendait le lendemain.

Cette première nuit, ma mère m'apparut en rêve. Elle me regardait avec un sourire bienveillant, tenant entre ses mains la petite boîte à musique qu'elle avait laissé sur la cheminée. Puis elle disparut. Elle laissa place à ce policier irrévérencieux. Je me vis soulever délicatement une mèche de ses cheveux noirs de jais et vis son oeil. Son iris était recouvert d'un voile blanc. Du sang se mit à en découler. J'eus comme la sensation qu'il appelait à l'aide. Je ne l'entendais pas, mais je voyais son visage crispé par la douleur et la main qu'il tendait vers moi. Effrayée par ce cauchemar, je me réveillai en sursaut et en sueur.

- Il ne manquait plus que ça ! Soufflai-je.

La lampe de chevet était restée allumée, et la télévision en face de mon lit passait un film sordide, dont les cris morbides et quelque peu ridicules des protagonistes me mettaient mal à l'aise. J'allai dans la salle de bain et me passai le visage sous l'eau froide pour me remettre les idées en place. J'observai ma peau bien trop blanche devenue grisâtre à cause du manque de sommeil et soupirai :

- Il va quand même falloir camoufler tout ça...

Je n'arrivais pas à oublier ce rêve. Incapable de me rendormir, je pris mes affaires et rentrai "chez moi".

De nuit cet endroit avait l'air encore plus sinistre. La neige avait commencé à tomber et un vent glacial s'était levé. J'entendais les murs et le plancher grincer comme une vieille porte mal graissée. Puis la lumière faiblarde du plafond se mit à grésiller et prise de panique, j'allai me refugier dans ma voiture.

- Voyons. Blue ! Les fantômes ça n'existe pas ! Me répètai-je les mains aggripées au volant.

Je repris lentement mon souffle et finis par retourner à l'intérieur, bien décidée réussir à dormir et à tout remettre en état.

Secrets ( 1ère Partie )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant