Un bruit dans la nuit.

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Il se passa plusieurs jours sans qu'il ne me fasse faire quoi que ce soit. Je passai mon temps à jouer avec mes stylos et à parler par messages avec Amélia, jusqu'au jour où, en pleine nuit, un appel me réveilla. Henry Wilson me somma de venir immédiatement au bureau. Lorsque j'arrivai, tout le monde s'affairait ci et là. Et ce fut ainsi que j'appris la nouvelle par la secrétaire : le corps d'une petite fille nommée Amber Ridge avait été trouvé sur une route isolée et rarement empruntée. Il refusa de m'emmener sur la scène du crime. De toute manière, j'étais bien trop sous le choc, et le visage de cette enfant ne m'était pas inconnu. Avant de partir précipitamment il me donna un seau contenant divers produits ménagers, des éponges et des chiffons. A côté de celui-ci, se trouvait le seul carton qui n'était pas recouvert de poussière. Je remarquai également que les dossiers qu'il contenait, étaient de la même couleurs que ceux que l'inspecteur Wilson avait emporté avec lui. Curieuse, je ne pus m'empêcher de regarder à l'intérieur. Sur le papier jaune qui enveloppait quelques rapports et témoignages, était marqué en grosses lettres rouges le nom Ophelie-Rose Park. Intriguée par se nom plutôt vieillot que j'avais déjà entendu quelque part, je pris le dossier et m'assis confortablement sur le fauteuil, pour le feuilleter. Je m'arrêtai sur les photos du corps d'une petite fille âgée d'une dizaine d'années environ, incroyablement propre et dont le visage ressemblait trait pour trait à celui d'Amber Ridge. Puis, tournant encore les pages, je tombai sur des photos de cette même fillette de son vivant. De magnifiques yeux noisette, de longues boucles blondes, qui retombaient avec élégance sur ses coudes et dans le creux de son dos. Un sourire ingénu illuminait sa petite robe rose. Puis, en regardant de plus près les rapports et les témoignages, je fis une découverte. Tous les papiers étaient signés William Anderson. Je refermai le dossier et le mis dans mon sac, pour pouvoir le lire plus précisément une fois chez moi. J'avais l'intime conviction que cette affaire avait un rapport avec la disparition de mon père. Incapable de penser à autre, je décidai finalement de faire le ménage et y passa la journée. Le lendemain, fatiguée de ma nuit blanche, je m'endormis sur le bureau. J'ouvris lentement les yeux et m'appercus que le soleil était déjà couché depuis un moment. J'essuyais la bave qui dégoulinait de ma bouche et remarquai une photo encadrée de mon père et de l'inspecteur Wilson, qui était posée près de la lampe. Je la pris et la regardai de plus près. Ce fut ce moment là qu'Henry Wilson choisit pour revenir. Il passa la tête dans l'embrasure de la porte.

- On ne vous paie pas pour dormir ! Dépêchez vous de vous lever, j'ai besoin de vous !

Sonnée par ce manque total de reconnaissance, je restai immobile, à le fixer sans même savoir quoi répondre.

- Aller! On n'a pas toute la nuit ! Arrêtez de me faire perdre mon temps! Et prenez le carton 43-726.

Il ressortit aussitôt en grognant. Je pris les cartons qu'il m'avait si gentiment demandé et montai dans la voiture où il m'attendait. Le sac de nourriture me chatouilla les narines et mon ventre, qui criait famine se mit à gargouiller. Je pris alors l'initiative de me servir, heureuse de pouvoir enfin avaler quelque chose.

- Qu'est ce que vous faites ? Me demanda-t-il ?

- Je n'ai rien mangé depuis un moment! J'ai tellement faim !

- Ce n'est pas pour vous. Ni même pour moi. Veuillez laisser ça ! Vous irez manger quand on aura finit !

Il m'arracha le sac des mains et le posa à mes pieds. Il demarra la voiture précipitamment, les mains crispées sur le volant, oubliant même sa ceinture de sécurité. Il resta silencieux, ne fixant que l'horizon. Les lumières de la ville glissaient sur sa peau pâle, me laissant deviner qu'il serrait la mâchoire. Ses yeux noirs semblaient perdus. A quoi pouvait-il bien penser ? J'ouvris la bouche, sur le point de lui poser la question, puis me ravisai. Ce silence était insupportable et électrique. Il s'arrêta à un feu, et attendit impatiemment à en juger par ses doigts, qu'il faisait taper sur le rebord de sa fenêtre. Encore, une fois, alors que j'allais lui poser la question, je revins sur ma décision et allumai la radio pour mettre fin à cette ambiance gênante. Il l'éteignit immédiatement et, tout en redémarrant et sans quitter la route des yeux, il me lança sèchement :

- Si vous avez quelque chose à dire, alors dites le.

Je ne répondis pas et me contentai de m'enfoncer dans mon siège, les bras croisés. Il soupira, puis accéléra. Il roulait bien trop vite et les mouvements qu'il faisait pour changer de vitesse devinrent aggressifs.

- Henry, vous roulez beaucoup trop vite ! Ralentissez ! Vous allez finir par provoquer un accident !

Il ne répondit pas et accéléra encore. Paniquée par son attitude plus qu'étrange, lui qui était toujours à respecter la moindre règle, je sortis mon téléphone de mon sac et tentai de contacter Bryan. J'eus à peine le temps de le déverrouiller, qu'il me le prit des mains et le jeta à l'arrière de la voiture.

- Inutile de les appeler. Il ne viendront pas de toute manière. Prenez l'arme qui est dans la boîte à gants et preparez vous à tirer si nécessaire.

- Mais non ! Je sais pas tirer de toute façon !

- Faites ce que je vous dis pour une fois !

Je pris le revolver qui se trouvait où il me l'avait indiqué et me préparai. Mon coeur s'était mit a battre à toute vitesse. J'étais dans l'incompréhension la plus totale. La seule pensée qui me vint à et instant fut Eric. Me trompait-il vraiment comme Amélia semblait le croire ? Mes yeux vinrent se poser sur le visage crispé d'Henry. Il tourna bruquement dans une petite impasse, arrêta la voiture et sortit précipitamment, m'intimant l'ordre de ne surtout pas bouger. La pluie avait commencée a tomber et il entra dans un vieux bâtiment insalubre, probablement encore habité illégalement. Je ne quittai pas des yeux la vieille porte rouillée par laquelle il etait entré, espérant le voir sortir le plus vite possible. Au bout de quelques minutes, un énorme bruit métallique se fit entendre à l'intérieur, malgré l'averse. Inquiète, je décidai de ne pas lui obéir et de le rejoindre. Le revolver entre les mains, je sortis de la voiture et avancai doucement vers la porte que j'ouvris lentement.

Secrets ( 1ère Partie )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant