Avant de descendre à mon cabinet, et ce même si je sais que mon patient est arrivé, puisque Sébastien m'a envoyé un message, je prends le temps de choisir ma tenue. J'opte pour un sobre ensemble gris foncé. La chemise sera blanche, pour compenser la noirceur du costume. Je me décide donc enfin à quitter mon appartement.
Il ne me faut qu'une minute pour arriver à l'étage adéquat. L'entrée se scinde en deux couloirs, le premier conduisant vers la salle d'attente tandis que le second est une forme de raccourci. Il permet de se rapprocher de mon cabinet, ou plus précisément de la salle adjacente. Je peux ainsi atteindre mon bureau en toute discrétion.
Le patient qui m'attend fait partie de ceux qui ont participé, il fut un temps, à ma mauvaise réputation. Je n'en ai toujours eu que faire, et ce d'autant plus que je n'avais pas apprécié que l'information puisse fuiter dans les médias. Contre toute attente, la nouvelle avait conduit à une recrudescence des rendez-vous.
Après tout, apprendre qu'une certaine catégorie de professionnels acceptait de consulter un psychiatre précisément parce qu'ils avaient de telles activités a agi tel un déclencheur. J'ai ainsi dû demander un motif de consultation pour éviter, désormais, qu'une seule patientèle se développe.
Non pas que je veuille absolument éviter l'homogénéité dans les patients suivis. Je considère simplement qu'il est préférable de varier les approches et les situations pour éviter de ne transposer les réalités d'un patient sur l'autre en raison d'une activité professionnelle ou personnelle particulière.
Parfois, bien entendu, des connexions peuvent se faire, entre l'un et l'autre, entre une situation et un cas. Cependant, je préfère conserver une certaine étanchéité. Je m'installe à mon bureau et laisse donc Sébastien faire entrer mon patient. Derrière mon bureau, je me lève et lui tends la main.
« Bonjour Professeur. Je suis content de vous voir, commence-t-il.
— Je vous en prie, installez-vous ».
Dans mon cabinet, les patients ont le choix entre un fauteuil tout à fait classique et un divan semi-couché. Dans le premier cas, le patient est donc en face de moi ; dans le second, son regard peut plus aisément fuir. Le fauteuil est choisi.
« Bien, je vous propose de suivre la méthode habituelle : rappelez-moi les raisons qui vous conduisent à consulter et en quoi elles ont pu évoluer.
— Tout à fait, Professeur. J'ai pris rendez-vous pour assumer ma profession d'acteur pornographique. Mais... Vous vous êtes rapidement rendu compte que je vous cachais l'essentiel.
— J'ai en effet compris que le malaise ne venait pas spécifiquement des autres mais de vous. Parce que...
— C'est toujours aussi difficile à admettre, Professeur.
— Préférez-vous que je tente une formulation ?
— S'il vous plaît...
— Bien. Votre particularité, au-delà d'être un acteur dans le milieu du divertissement pour adultes, est d'être hétérosexuel tout en jouant des scènes homosexuelles.
— C'est exact, Professeur.
— Est-ce tout ?
— Non... J'y suis versatile.
— Et tel est, au fond, le problème ».
Mon patient se trouve en effet dans une situation que je rencontre de plus en plus souvent maintenant que j'apprends à connaître le milieu de la pornographie. Les salaires et les conditions de travail sont bien plus élevés et de qualité dans les studios dédiés à la pornographie gay.
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Le Saint Ange (BxB)
General FictionAlban, psychiatre, connaît un certain succès avec son cabinet. Ses patients sont plus ou moins connus et plus ou moins reconnaissants. Mais le succès professionnel ne se suffit pas à lui-même. Un patient difficile, une vie privée qui s'effrite, Alba...