Chapitre 1

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« Cabinet du Professeur Alban Saint-Ange, je vous écoute, Madame ». Il hoche la tête, note sur papier noir quelques mots et commence à discuter. Les motifs de l'appel sont énoncés, le rendez-vous est placé. Je n'ai malheureusement que peu de possibilités pour de nouveaux patients.

« Professeur, excusez-moi, je n'avais pas vu que votre porte était ouverte. J'espère ne pas vous avoir dérangé en répondant au téléphone.

— Sébastien, ne soyez pas si inquiet, voyons.

— Pardon Professeur. Remplacer votre ancienne secrétaire est assez anxiogène.

— Pourquoi ?

— Je sais qu'elle parvenait à anticiper vos besoins, à harmoniser votre emploi du temps en fonction de vos exigences personnelles ou encore à tenir compte de vos déplacements professionnels. C'est une alchimie que je ne maîtrise pas encore et j'essaie d'éviter d'ajouter des maladresses ».

J'observe Sébastien avec patience, ne le quittant pas des yeux. Quand je constate que son rythme respiratoire se calme, je peux alors l'inviter à s'assoir. Nous avons une pause à présent.

« Voudriez-vous bien vous assoir ? Je crois que nous devrions discuter, tous les deux ».

Sébastien se plie à ma demande sans pour autant souscrire, a priori, à ma suggestion. Il s'installe mais son corps reste tendu, maîtrisé.

« Vous n'êtes le remplaçant de personne. Vous êtes mon nouveau secrétaire, en revanche. Nous allons créer nos routines, apprendre à connaître nos fonctionnements respectifs. Vous allez aussi rencontrer mes patients, découvrir une partie de leur vie sous couverture du secret médical. Vous êtes celui qu'ils verront en premier et en dernier lors de nos rendez-vous.

— J'ai bien compris, en effet, que j'accueillerai les patients et qu'ils règleront leur consultation avec moi.

— C'est exact. Je préfère déléguer ces éléments administratifs pour consacrer davantage de temps à l'échange avec le patient. Un rendez-vous à quatorze heures débute ainsi à l'heure, puisque je demande aux patients d'être présents cinq minutes avant pour vous voir, et se termine trente ou soixante minutes plus tard, selon les personnes. Puis, ils viendront vous voir pour régler la consultation et fixer le prochain rendez-vous.

— Je dois vous avouer que dans les cabinets médicaux dans lesquels j'ai été amené à travailler, en général, c'était le rendement qui justifiait cette méthode.

— Aviez-vous l'impression que mes confrères cherchaient à maximiser leurs recettes ? Ou bien essaient-ils de proposer un maximum de créneaux de consultation pour des professions déjà particulièrement sollicitées ?

— Votre sens de la précision et de la neutralité vous précède, et je le constate à présent.

— J'espère simplement pouvoir vous rassurer sur mes attentes » lui dis-je alors qu'il referme déjà la porte glacée de mon bureau. Avec un seul bouton, les vitres deviennent opaques et nul ne peut apercevoir mes patients.

Sans vouloir appliquer ici une quelconque méthode que j'utiliserais avec un patient, je dois reconnaître que les habitudes persistent en-dehors du temps de consultation. L'écoute active, la demande perpétuelle de précision, les questions qui ouvrent davantage de perspectives qu'elles n'en ferment, tout ceci est devenu une habitude.

Je la pense d'ailleurs plutôt saine. Alors que j'ai désormais dépassé les quarante ans, mes premières années en psychiatrie me semblent de plus en plus lointaines. Exit donc l'hésitation du début ou encore la crainte d'une maladresse. Il y en aura toujours une. La phrase de trop, celle qui manquera.

Le Saint Ange (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant