« On m'a demandé d'être là ».
Voici la raison la plus difficile à entendre, que l'on soit le patient ou bien le professionnel de santé. Une personne qui est contrainte à suivre une thérapie doit d'abord et, avant tout, accepter d'engager ce chemin. Elle doit le faire pour elle et pour personne d'autre ou, du moins, d'abord pour elle.
« Qui est ce mystérieux on ?
— Mon médecin.
— Très bien, cela signifie-t-il que vous avez une lettre d'adressage de sa part ?
— Oui.
— L'avez-vous ?
— Je l'ai donnée à votre assistant.
— Je vous prie donc de m'excuser un instant ».
Je décroche mon téléphone et appelle Sébastien pour qu'il m'apporte cette fameuse lettre. Le voici qui arrive dans la minute tout en grimaçant. Il se retire et je peux alors prendre connaissance de son contenu :
Cher confrère,
Je vous adresse mon patient afin d'engager un profond travail thérapeutique, que j'imagine tout à la fois cognitif que médicamenteux. La confidentialité de vos échanges vous empêchera sans doute de me transmettre des comptes-rendus, mais je demeure à l'écoute de vos conclusions si nécessaire.
Confraternellement.
Je n'ai pas l'habitude d'avoir une recommandation aussi directe d'un confrère, m'invitant directement à explorer la voie allopathique. Je prends note, encore une fois, de l'absence de motif de consultation. Le jeune homme me regarde patiemment, ou plutôt fixe un point derrière moi.
« Votre médecin traitant m'indique que des médicaments seraient sans doute nécessaires, pourquoi ?
— Il a dit qu'il en faudrait pour me calmer.
— Vous calmer ? Pouvez-vous m'expliquer ?
— Je dors mal et peu.
— Vous a-t-il déjà prescrit des somnifères ?
— Oui, et ça n'a jamais marché.
— Très bien ».
Ainsi mon agacement peut-il commencer. Ledit confrère n'a pas pris la peine de me prévenir et de m'indiquer qu'il avait déjà entamé des prescriptions.
« Pouvez-vous m'indiquer le nom des médicaments que vous avez été amené à prendre régulièrement ?
— Oui Professeur, je les ai écrits ici ».
De sa poche de veste, le jeune homme sort une liste de médicaments avec ou sans ordonnance, plus ou moins puissants, plus ou moins efficaces. Je peux ainsi constater l'état de ses mains : ses ongles sont rongés, ses doigts sont à vif, la peau doit être rugueuse et cornée. Je l'écris sur mon dossier.
« Qu'écrivez-vous ?
— Quelques observations.
— Lesquelles ?
— Êtes-vous si curieux, Monsieur ?
— Oui.
— Dois-je comprendre que vous souhaiteriez savoir ce que j'écris et je pense au fur et à mesure ?
— Oui, s'il vous plaît.
— Pourquoi ?
— Je dois savoir si je suis malade ».
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Le Saint Ange (BxB)
General FictionAlban, psychiatre, connaît un certain succès avec son cabinet. Ses patients sont plus ou moins connus et plus ou moins reconnaissants. Mais le succès professionnel ne se suffit pas à lui-même. Un patient difficile, une vie privée qui s'effrite, Alba...