Chapitre 4

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En dépit de l'importance du sujet développé par mon patient et de mon envie de lui répondre en détail, je suis contraint de terminer ici la séance. Ce moment est toujours difficile. Il faut trouver le juste instant, celui qui ne frustrera pas le patient. Cependant, il faut toujours s'arrêter quelques minutes avant la fin officielle de la séance.

D'abord, le patient doit pouvoir finir de développer son idée ou sa pensée. Les derniers moments sont parfois les plus importants. Hors de question de remettre à une autre semaine une réflexion qui était pertinente à l'instant même de l'échange. Ce serait couper une émotion, ce serait insupportable.

Ensuite, les dernières minutes sont parfois celles qui permettent au patient de dire un dernier mot, une dernière phrase, un dernier sous-entendu. Il faut être attentif à ce qui est dit à ce moment précis. Je n'ai pas à me préoccuper des aspects administratifs ou financiers, de ce fait je demeure concentré, et c'est parfait ainsi.

Enfin, l'ultime minute est parfois celle de la révélation. Je ne compte plus le nombre de patients qui ont finalement admis la réelle raison de leur venue au cabinet lors de la dernière seconde d'une séance. Après avoir tergiversé pendant trente à soixante minutes, il faut bien se libérer.

Je n'ai pas de problème avec la patiente qui est en face de moi. Elle a fait le choix de nous entretenir chaque semaine pendant une heure. Je crois que je ne dis que quelques phrases par séance tant elle est bavarde. C'est en réalité une forme de thérapie tout à fait satisfaisante : nous débriefons chaque semaine pendant une heure.

Parfois, la discussion ressemble davantage à un récit qu'elle pourrait envisager avec des amis. Elle raconte les péripéties de sa vie et attend simplement que j'acquiesce ou que je réagisse. En se comportant ainsi, non seulement elle fait le tri mental dans ses pensées et ses actions passées, mais elle s'assure qu'elle ne rechute pas.

Je me souviens avoir rencontré cette patiente alors que l'angoisse la dévorait de l'intérieur. Aujourd'hui, les séances portent moins sur la forme que sur le fond. Nous échangeons sur tous les sujets, y compris les plus intimes. Elle énumère ses analyses, ses comportements, les événements.

Dans un cadre sûr et sans jugement, elle raconte. Elle est en sécurité car peu importe le propos, personne ne sera blessé. Voici la différence majeure avec un ami, aussi à l'écoute soit-il. S'ajoute également le cadre médical : elle sait très bien que si je repère la moindre forme de rechute anxieuse ou dépressive, je pourrais réagir.

Ainsi est-elle devenue la maîtresse du temps, sachant parfaitement que nos séances durent exactement une heure et que nous devrons nous arrêter à cet instant. C'est elle qui fait le tri dans ses idées et qui, ainsi, décide de me laisser le temps de l'interroger si besoin pendant les minutes restantes.

Habituellement, nous nous quittons ainsi sans autre forme de cérémonie. Aujourd'hui, cependant, une phrase m'interpelle :

« J'avais hâte que notre séance arrive, cette semaine. Je ne voulais pas ruminer de mon côté.

— Dois-je donc comprendre que vous vous êtes empêchée de penser à certains sujets ?

— Non, du tout ! C'est inconscient, je pense : je sais que nous discuterons de ces éléments. De ce fait, ils n'apparaissent pas dans mon esprit jusqu'à notre rendez-vous.

— Une forme de chape sur votre angoisse, n'est-ce pas ?

— Exactement, Professeur ! ».

Nous nous serrons la main et la voici déjà partie pour régler la consultation. Je consulte donc mon emploi du temps pour en savoir plus sur le prochain patient et ouvrir son dossier. Surprise, le rendez-vous a été annulé ce matin. Cependant, un évènement privé le remplace. Je n'ai pas le temps de décrocher mon téléphone que Sébastien apparaît.

Le Saint Ange (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant