Chapitre 20

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Nathan vient de déposer ses lèvres sur ma joue. Délicatement. Il n'y a rien de passionnel ni de sensuel. Je sens juste son âme se déverser contre moi. Si des larmes pouvaient couler, je sais qu'elles seraient là. Mais elles ne peuvent pas, pas ici, pas ainsi, pas ce soir. Je connais ce sentiment.

« Tu me trouves charmant ?

— Je trouve, je pense même que tu as été tout à fait remarquable, spécial.

— Je ne comprends pas.

— Je fais référence à samedi. Sans toi, j'aurais sans doute erré encore longtemps dans cette église.

— Au moins ne te serais-tu pas fait mal ».

A peine termine-t-il sa phrase que ses mains bondissent sur la mienne. Je n'ai plus de bandage, la plaie est désormais refermée. Tout va bien. Mais il investigue. En dépit du manque de lumière, Nathan surveille.

« Cela ne semble pas s'être infecté.

— Je t'assure, grâce à toi, la plaie n'a pas été trop longtemps à l'air libre.

— Si tu n'avais pas été dans un tel état, tu ne te serais pas blessé ».

Il l'ignore, mais il a raison. C'est à cause de lui que j'ai ainsi agi. Mal agi, surtout. Mais c'est un secret que je ne peux pas lui révéler.

« Alban.

— Oui, Nathan ?

— Je peux te parler de ma vie ?

— Je suis là pour ça, pour te découvrir.

— Même si elle est ... spéciale ?

— Surtout si elle l'est ».

Nathan se lève, ne me quitte pas du regard, et s'installe désormais en face de moi.

« Je n'ai jamais connu d'homme ou de femme de moins de trente ans ».

Ainsi énoncée, sa vérité semble l'encombrer et je découvre le juvénile Nathan qui évite mon regard, qui se perd dans les miroirs.

« Je suis preneur d'une précision sur la nature des relations auxquelles tu fais allusion.

— Toutes. Amant, maîtresse, amis. Je ne sais pas faire avec les gens de mon âge.

— Pas faire ?

— Me lier avec eux. Créer quelque chose.

— As-tu déjà essayé ?

— Je ne les intéresse pas ! ».

Le jeune homme, théâtral, se lève et regarde autour de lui. Effectivement, comme si son discours prenait soudainement une forme performative, seuls des yeux légèrement plus âgés se posent sur lui. Pas un seul groupe ayant la vingtaine ne semble s'intéresser à lui. Je me lève et le rejoins.

« Partons, si tu le souhaites.

— Pour aller où ?

— Ailleurs, où tu veux.

— Chez moi. Sans arrière-pensée. Juste pour échapper à la vue des autres.

— D'accord ».

J'aimerais que l'alcool soit à l'origine de ses paroles. Je voudrais que ce soudain mal-être émerge en raison d'un phénomène bien connu de mélancolie quand l'ivresse gagne le cerveau. Hélas, Nathan n'a consommé qu'une quantité limitée de l'addictif liquide. Il ne permet qu'une désinhibition sincère.

La preuve ultime de cette réalité est assurément le pas décidé qu'affiche désormais Nathan. Il me guide mais, dans un sens, je suis avant tout le suiveur d'un rythme effréné. J'aimerais lui dire, j'aimerais que nous ralentissions, mais je comprends son empressement. Alors je me tais.

Le Saint Ange (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant