En ce vendredi matin si spécial, j'opte pour mon éternel costume bleu. Il n'est ni foncé, ni clair. Ni trop solennel, ni trop décontracté. Il est exactement tel qu'il devrait être. La chemise en-dessous est blanche, teintée de quelques motifs bleu foncé. Mes chaussures, marron, sont ainsi les seules à être si sombres.
Je vois Benjamin, de son côté, opter pour une tenue bien plus décontractée. Il fait chaud, il est vrai. Une chemise seule et un chino seront donc retenus par l'homme en face de moi. Nous ne nous sommes pas encore parlé depuis notre réveil, si ce n'est pour se saluer, bien évidemment.
Je romps donc ce serment :
« J'ai demandé à Nathan de nous rejoindre en bas à dix heures, tu penses que c'est suffisant ?
— Bien sûr, nous en avons pour quelques minutes à pied, seulement.
— D'accord, inutile donc de le presser davantage.
— Déjà qu'il doit être angoissé à l'idée d'être présent.
— Je sais que je ne lui ai clairement pas donné un rôle aisé.
— J'ai aussi hésité à faire venir ma sœur. Mais je me suis rappelé qu'il n'y avait ni drame, ni tragédie, ni déchirure. Alors j'ai laissé cette idée loin de mon esprit.
— Peut-être que je devrais annuler, pour ne pas... ».
Benjamin saisit mes épaules et je suis forcé de m'arrêter de parler.
« Si tu lui as demandé de venir ce matin, c'est parce que tu sentais que tu le devais. Il a accepté. Alors, s'il te plaît, laisse-toi tranquille. Même s'il est bien naturel d'être tendu en cet instant ».
Il a raison, à la fois quant à ma décision que pour les sentiments étranges qui doivent nous traverser tous les deux. La fenêtre est ouverte dans la chambre mais aussi dans le séjour. L'air vient donc frotter mes bras encore à découvert. Je sens mes poils bouger, étrangement. Benjamin sourit et termine de s'habiller.
Après avoir, à mon tour, terminé cette lourde tâche, je décide de boire un verre d'eau à la hauteur de la tension qui s'abat sur mes épaules. Il se moque de moi, me disant qu'un shot de vodka serait bien plus efficace que des litres aqueux. Hors de question d'aller chez le notaire ainsi.
Nous descendons ensemble et Nathan est déjà là. Aucun mot n'est échangé. Juste et seulement un jeu de regards. Nathan décoche un rapide geste de tête à Benjamin pour le saluer. Quant à moi, j'ai droit à une accolade rapide suivie d'une main traînante sur l'épaule. Elle la saisit avec fermeté. Elle veut tout dire.
Nous marchons en silence jusqu'à l'office notarial au sein duquel nous attendent déjà nos deux avocats. Tous sont prévenus de la présence d'un tiers et nul n'est alors gêné. Nous savons que tout ceci ne durera que cinq minutes. Les documents sont sur le bureau, ils n'attendent que nous.
« Messieurs, dans la mesure où vous n'avez aucun conflit et que le délai de réflexion est désormais écoulé, vous pouvez relire une dernière fois la convention et la signer ».
Je saisis une seule des deux conventions et nous lisons ensemble les termes définis par nos avocats selon nos propres désirs. Nous savons d'ores et déjà que nous n'avons rien à redire. Alors, sans autre commentaire, sans même dire un mot, sans même adresser un regard à l'un des trois officiels présents, nous saisissons l'un des deux stylos.
Benjamin commence tout en n'oubliant pas de parapher chaque page. Je peux alors à mon tour avoir le même stylo et suivre le même mouvement. Plusieurs fois. Ce silence est pesant en tant que silence, et non à cause de la situation. L'orgue de Nathan aurait été bienvenu pour lever ce problème.
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Le Saint Ange (BxB)
General FictionAlban, psychiatre, connaît un certain succès avec son cabinet. Ses patients sont plus ou moins connus et plus ou moins reconnaissants. Mais le succès professionnel ne se suffit pas à lui-même. Un patient difficile, une vie privée qui s'effrite, Alba...