Déjà vingt heures, et j'attends paisiblement dans mon cabinet que Benjamin me rejoigne. Il m'a proposé de venir me chercher directement ici pour que nous puissions ensuite partir dîner au restaurant. C'est une idée à laquelle je souscris sans problème et qui me plaît. J'attends donc.
Pendant ce temps, je relis mes notes sur Monsieur Lassard, ainsi que mes anciens cours sur l'hypnose. Nous avons convenu dernièrement que je ferai usage de celle-ci lors de notre prochaine séance, pour tenter de réduire les crises sexomniaques. Je suis formé depuis longtemps mais je considère qu'il est toujours bon de se remettre à jour.
Je pense avoir précisément en tête l'essentiel quand Benjamin arrive. Il me sourit et me rejoint pour m'embrasser sur la joue.
« On y va ? Tu es prêt ?
— Tout est bon de mon côté.
— J'ai vu que Sébastien était déjà parti.
— A vingt heures, j'espère bien qu'il a quitté le cabinet... Ses journées seraient sinon bien trop longues... ».
Benjamin, parfois, oublie qu'il fut lui aussi salarié et que la vie qu'il a connue au sein des petites agences ou même des plus grandes n'est pas celle qu'il faut appliquer à l'ensemble des salariés. Une fois descendus dans le parking, il conduit et nous revenons sur ce sujet.
« Sébastien fait un excellent travail, nous avons déjeuné ensemble l'autre jour pour que je le lui rappelle d'ailleurs.
— C'est la première fois qu'il travaille avec un psychiatre, non ?
— Exact. Et c'est bien pour cela que je suis assez fier de lui. Son adaptation a été rapide et sa discrétion est tout à fait adaptée.
— Tu as eu des retours de patients j'imagine ?
— Oui, tout le monde a été charmé par son jeu d'équilibriste entre sympathie naturelle et confidentialité.
— Tu as toujours eu de la chance dans tes recrutements, c'est un fait, me sourit-il.
— J'imagine que vouloir travailler dans un cabinet de psychiatrie n'attire que les personnes passionnées.
— On en revient toujours à cet enjeu.
— Passion, travail, loisir... Oui, même si j'y pense moins en ce moment, depuis que ma patiente a changé de sujet de thérapie ».
Nous arrivons au restaurant qui est en front de mer. Nous nous installons et, connaissant bien mon mari, je sais que nous ne sommes pas ici par hasard. Je ne dis cependant rien, commande un verre de vin pour chacun de nous et choisis par ailleurs le menu complet. Nos échanges se poursuivent autour de ses derniers travaux et de mes propres préoccupations.
Au dessert, néanmoins, l'armure se fissure et je vois sur le visage de Benjamin une forme d'amertume. Encore une fois, j'estime ne pas avoir à engager la discussion qu'il semble pourtant vouloir amener. Jusqu'au moment de la dernière bouchée.
« Tu le sais peut-être, j'ai vu ton confrère aujourd'hui.
— Je crois que tu me l'avais dit, en effet. Tout se passe bien avec lui ?
— Honnêtement, le travail est difficile. Nous avons surtout échangé sur la base de ta dernière émission télévisée.
— Oh, et bien... Ce n'est pas trop difficile de jongler entre les deux, pour toi ?
— Justement. Il m'a dit quelque chose d'important.
— Je t'écoute, dis-je en ayant compris. Je sais ce que j'ai dit ce jour-là. Et je sais ce que cela implique.
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Le Saint Ange (BxB)
General FictionAlban, psychiatre, connaît un certain succès avec son cabinet. Ses patients sont plus ou moins connus et plus ou moins reconnaissants. Mais le succès professionnel ne se suffit pas à lui-même. Un patient difficile, une vie privée qui s'effrite, Alba...