Les lunettes de soleil sur mon nez ne sont en rien superficielles aujourd'hui. Non, elles sont cruciales, pour de si nombreuses raisons. Il suffit de lever les yeux, de voir l'air se dilater devant nous. Impuissants, nous ne pouvons pas nous protéger. Nous subissons la violence de la chaleur, de la température, de chaque rayon qui vient transpercer notre peau.
Et, il faut se l'avouer, persistent des raisons plus personnelles. Au milieu des verres sombres de ces lunettes, sa silhouette se dresse. Celle de l'enfant gâté, de l'adolescent amusé et du jeune adulte ravi. Il y a le sourire, aussi, celui qui me permet de comprendre sans un mot qu'être ici est un moment crucial.
« Tu as bien fait de prendre les billets en avance, regarde la file là-bas ».
Je lui souris et ne réponds pas, quitte à risquer sous peu une réprimande. Ses sourcils se froncent, la voici.
« Hé, réponds-moi, je te fais un compliment tout de même, me lance-t-il tout en n'hésitant pas une seconde à projeter sa main à l'arrière de mon crâne.
— Je ne voulais pas te faire remarquer combien j'étais un as de l'organisation, tout simplement.
— Je reconnais bien une modestie cachée derrière l'ironie.
— Je me demande si un jour tu me trouveras des défauts.
— Tu en as. Mais ils se sont intégrés à ta personnalité. Alors, je fais avec.
— Désolé du fardeau, Nathan ».
Il est difficile de ne pas sourire quand nous nous lançons dans de tels échanges. De ceux qui sont remplis de piques et d'acidité parce que nous n'assumons pas cette irrésistible envie de sincérité, d'admiration réciproque, de reconnaissance. Nous les dissimulons, confortablement, derrière chaque mot.
« Tu es prêt ? lui demandai-je.
— Honnêtement ? Je ne sais pas.
— Moi non plus.
— Pourtant, tu l'as visitée tellement de fois.
— Pas avec toi.
— Pas avec moi ».
Sa main se pose sur mon épaule. Nous entrons ainsi, gardant ce contact précieux pour éviter que de nos corps nos âmes s'échappent. Comme si pénétrer dans cette cathédrale risquait de non pas nous consumer mais de faire fusionner ce que nous partageons. Et nous partageons tant.
Les vitraux s'imposent, mais mon regard est irrésistiblement attiré par le cœur battant de ce lieu.
« Il est là » chuchote Nathan.
Oui, il est ici, devant nous. Sur une croix si particulière. Sous un édifice qui laisse présumer une forme de joie. Son incandescence est hypnotique.
« Viens... Approchons-nous ».
Paradoxalement, c'est Nathan qui me guide. Je connais les lieux par cœur. Je pourrais déambuler de mémoire, reconnaître tous les détails. Pourtant, rien n'y fait. Encore une fois, fin connaisseur de ces lieux spirituels, Nathan se meut en un précieux accompagnateur, sans qui avancer serait si difficile.
« La lumière est éblouissante. Le chaud et le froid. En même temps. Comme si deux vents contraires soufflaient. Ma joue gauche est désespérément en sueur. Ma joue droite commence à se rafraîchir ».
En disant ces mots, Nathan se retourne et ne peut constater mes yeux légèrement ébahis. Quelle finesse sensorielle. Je suis admiratif de sa capacité à transformer son observation et son analyse en un ressenti aussi net. Nous avançons peu à peu et trouvons alors le point parfait. Celui qui nous oblige. Celui qui nous transcende.
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Le Saint Ange (BxB)
General FictionAlban, psychiatre, connaît un certain succès avec son cabinet. Ses patients sont plus ou moins connus et plus ou moins reconnaissants. Mais le succès professionnel ne se suffit pas à lui-même. Un patient difficile, une vie privée qui s'effrite, Alba...