Yeux disent

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Août

PDV AELA

Tout me ramène quelques années en arrières.

Ses yeux bleus, ses cheveux bruns toujours mal coiffés, son visage fin. Tout. Même son sourire en coin est là.

Isak, vivant et aucunement atteint, se trouve devant moi.

Sa main sur mon poignet me force à m'arrêter. Et ça aussi ça me rappelle notre vie ensemble.

Les premières fois où il l'a serré un peu trop fort. Les autres fois où cette même main a fini par s'abattre sur mon corps.

Son regard encré dans le mien, je ne sais plus quoi dire.

J'ai rêvé plusieurs fois de cet instant. Le moment où je le retrouverais, où je serais heureuse et plus vivante que jamais. Mais il n'a devant lui qu'une façade. Une jeune femme troublée à cause de lui. Une jeune femme qui essaie de se reconstruire grâce à une nouvelle famille. Une jeune femme qui a peur de ses démons et de ce qu'elle peut faire d'elle-même.

Il n'a devant lui qu'un sourire de façade qui est montré à tout le monde. Le « sourire réflexe ». Celui qu'on a toujours sans savoir pourquoi. Préférant faire penser aux autres que ça va bien au lieu de les embêter avec nos histoires.

Le seul qui reconnaît ce sourire c'est Idriss et mon Dieu, j'aimerais qu'il soit avec moi à cet instant précis.

-Tu es magnifique chérie. Plus resplendissante que jamais.

Son sourire est faux. Un sourire de façade lui aussi, mais cette fois pour faire croire à tout le monde que c'est le gendre idéale.

Mais je ne pourrais pas continuer.
Ça me fait trop mal.
Car chérie, c'est comme ça qu'il m'a toujours appelé.
Jamais autrement.
Jamais par mon prénom.
Chérie.

Je me défais rapidement de son emprise, comme s'il m'avait électrocutée, et regarde la femme qui l'accompagne.

La même que la dernière fois, la bimbo refaite. Il m'offre un sourire vainceur. Du style « Tu vois ce que tu n'es pas. ».
Mais ma pauvre si tu savais comme je te plains d'être tombée sur lui.

Le problème c'est que je ne lui souhaite pas du mal à cette femme. J'espère qu'il ne lui fera jamais ce qu'il m'a fait. Qu'elle ne se retrouvera jamais avec des cicatrices dans le dos. Qu'elle n'aura jamais peur d'aimer comme j'en ai peur. Qu'elle n'aura jamais aussi mal que moi. Qu'elle n'aura jamais autant peur de l'abandon ou des bruits un peu trop forts.

Je ne pourrais jamais lui souhaiter du mal. Peu importe comment elle est refaite. Peu importe comment j'ai mal en les voyant heureux. Peu importe comme mon ventre se tord. Je ne lui souhaiterais jamais quelque chose de semblable.

Je n'arrive pas à parler. Totalement pétrifiée face à lui. Son aura malsaine est plus présente que jamais et il ne veut pas partir. Mes jambes ne veulent pas bouger, mon corps ne répond plus.

Et il est fier.

Il est content de l'effet qu'il a sur moi. De la peur dans mon regard. Il s'en délecte et en profite. Son putain de sourire arrogant me donne envie de le laisser. Qu'il ne gagne pas, qu'il perde, je ne sais pas !

Mais mon foutu corps ne réagit pas.
Et je reste debout. Face à lui.
Sans un mot, une éternité se passe.

Et mes yeux me piquent.
Ma gorge me brûle.
La bile me monte.
Mon estomac se retourne.
Mes jambes tremblent.
Ma tête tourne.

Un flot de souvenirs discontinus tourne dans ma tête. Les bons moments mélangés aux mauvais. Les coups, les cris et les pleurs se confondent avec les rires et les baisers amoureux.

C'est pas un filmOù les histoires vivent. Découvrez maintenant