CHAPITRE 3 - Décision

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Le trajet du retour  sembla s'écouler comme un rêve. Lumenys ne prononça pas un mot, tout  comme ses parents qui se contentèrent de la regarder avec inquiétude.  Les pièces, les couloirs et les passerelles s'enchaînèrent sans qu'elle  s'en rendit compte. Alors que le trajet à l'aller lui avait paru durer  une éternité, le retour lui sembla aussi rapide qu'une bourrasque de  vent. Avant d'avoir eu le temps de penser à quoi que ce soit, elle se  retrouva assise sur une barque naviguant toute seule sur l'eau  scintillante caractéristique des rivières de Mageliam.

— Comment te sens-tu, ma chérie ? lui demanda sa mère en prenant place à côté d'elle.

— Je ne sais pas, répondit Lumenys après un moment de silence.

Et c'était la stricte  vérité : elle n'en avait aucune idée. Son esprit ressemblait à un  brouillard où s'emmêlaient des images et des informations sans fil  conducteur. Elle était incapable de réfléchir, tout comme elle était  incapable de poser des mots sur ce qu'elle ressentait. Elle avait  l'impression d'être déconnectée de la réalité, tant sa situation avait  brutalement changé en l'espace de quelques heures.

Khaleira passa un bras  autour des épaules de sa fille et la serra contre elle. Lumenys se  laissa faire, aussi molle qu'une poupée de chiffon.

— C'est normal, tu es  complètement bouleversée. Tuas tellement de choses à digérer ! Ne t'en  fais pas, nous en discuterons plus tard, à tête reposée, et tout  semblera plus clair. Ton père et moi sommes là pour toi : tout ira bien.

Khaleira ne savait pas  qui elle essayait de convaincre, entre sa fille et elle. Les révélations  du couple royal l'inquiétaient bien plus qu'elle ne voulait l'admettre :  elle redoutait les conséquences qu'elles auraient pour sa fille, et  craignait de ne pas pouvoir la protéger.

— Bien sûr que tu es  perdue, qui ne le serait pas à ta place ? intervint Alyst en se plaçant  de l'autre côté de Lumenys. Je trouve même que tu encaisses plutôt bien,  vu l'ampleur de la requête qui vient de t'être formulée : pas de  larmes, pas de questions paniquées...

— Je ne réalise pas  encore très bien ce qui vient de se passer, expliqua Lumenys. Mais  prépare-toi, les larmes et la panique arriveront sûrement dans quelques  heures... 

— Et je les attends de  pied ferme, assura Alyst avec un clin d'œil. Plus sérieusement,  quand  tu auras besoin de parler, de pleurer, de tout extérioriser : je serai  là, et ta mère aussi. Nous nous retrouvons embarqués dans une drôle  d'histoire, et nous y ferons face ensemble, quoi qu'en dise Leurs  Majestés ! Je n'arrive pas à croire qu'ils aient le culot de demander de  cette façon l'aide d'une jeune fée de seize ans pour résoudre un  problème d'une telle ampleur...

— Pas maintenant, Alyst,  s'il te plaît, l'interrompit Khaleira en levant les yeux au ciel,  faussement exaspérée. Ta diatribe attendra que l'on soit rentré à la  maison !

Lumenys esquissa un faible sourire. Entendre ses parents se chamailler lui procurait un réconfortant sentiment de familiarité.

Lorsque le bateau  accosta non loin de l'entrée du village où habitaient les Boisjolis, le  soleil avait bien entamé sa descente dans le ciel. L'heure du déjeuner  devait être passée depuis longtemps. Lumenys arpenta avec soulagement  les rues qu'elles connaissaient depuis toute petite. Un profond  apaisement germa peu à peu dans son esprit à mesure que le village se  déployait devant elle.

Après avoir salué  quelques connaissances et traversé la troisième cascade, Lumenys, Alyst  et Khaleira passèrent enfin le seuil de leur foyer.

— Si j'avais su, je n'aurais pas passé autant de temps à choisir la couleur de ma robe, déclara Khaleira pour tout commentaire.

Les Six Lumières - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant