CHAPITRE 12 - Rêves et cauchemars

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Voilà quatre jours que l'équipe avait traversé le lac Hevaarant, sept qu'ils étaient partis du village où Feldrieg les avait laissés, et aucune montagne ne se profilait à l'horizon. Le village dans lequel ils s'étaient arrêtés ne leur avait apporté qu'un bref répit d'à peine quelques heures : ils avaient aussitôt dû repartir à la pointe du jour. La fatigue devenait de plus en plus insupportable. Chaque pas semblait plus lourd que le précédent ; les jours se succédaient dans une morne monotonie, tous identiques. Les esprits commençaient à s'échauffer : chacun se disputait avec son voisin pour des broutilles, les piques remplaçaient les plaisanteries, les éclats de rire se transformaient en soupirs exaspérés.

Depuis une petite heure, l'équipe marchait au milieu d'une forêt dans un silence absolu. Leurs bottes étouffaient le moindre crissement de leurs pas sur la neige ; personne n'avait envie de prendre la parole ; pas un oiseau ne sifflait dans les branches. Même le vent était retombé : aucun bruissement n'agitait les feuilles cuivrées, laissées dans une immobilité parfaite. Quelques pâles rayons du soleil matinal perçaient entre les ramures, dessinant sur le sol quelques flaques dorées, éclairant certains arbres en un étonnant jeu d'ombres et de lumières.

— Pendant combien de temps encore va-t-on continuer à marcher à l'aveuglette ?

La voix de Fidros résonna avec une étrange force au-dessus de leurs têtes. C'était comme si elle n'avait pas sa place dans ce lieu, brisant un silence implicitement convenu avec les arbres et le vent.

— On ne marche pas à l'aveuglette, répliqua Consilior à voix basse avec un agacement contenu.

— Pourtant, ça fait sept jours qu'on a quitté Feldrieg, et on ne voit toujours pas le bout de notre destination. Je croyais qu'il fallait une semaine pour atteindre le pied du mont Eldurhim !

— Huit jours, corrigea Stelias. Et on y serait peut-être déjà si vous ne passiez pas votre temps à gémir et à traîner des pieds !

— Tu plaisantes ? Ça fait des jours qu'on marche sans s'arrêter dans le froid, le vent et la neige, avec seulement deux pauses dans la journée pour manger et dormir ! Je pense qu'on a bien le droit de se plaindre ! s'indigna Héliane.

— Et de s'enquérir de notre avancée, renchérit Lumenys.

— Eh bien rassurez-vous, on se rapproche de plus en plus de notre destination à mesure que les jours se succèdent : d'après mes calculs, on devrait atteindre le mont Eldurhim dans deux jours, annonça Consilior d'une voix mesurée.

— C'est déjà ce que tu nous a dit avant-hier, souleva Lumenys sans pouvoir retenir un soupir exténué.

— Elle a raison ! Peut-être que tes calculs ne sont pas aussi fiables que tu ne le penses, attaqua Fidros. Et après tu oses me dire qu'on ne marche pas à l'aveuglette et que tu sais où on va !

— Exactement, parce que je ne fais que suivre depuis le début la carte dessinée par Feldrieg ! Mais si tu penses pouvoir la déchiffrer mieux que moi, je t'en prie, à toi l'honneur, rétorqua Consilior en s'efforçant de contrôler le ton de sa voix.

— Ou alors, peut-être que c'est justement la carte, le problème, avança Eidana. S'il y a bien une chose que je ne peux pas retirer à Consilior, ce sont ses talents d'explorateur et de survie ; en revanche, rien ne nous assure que la carte est fiable...

— Bien sûr que si : c'est Feldrieg qui nous l'adonnée. Elle est forcément fiable, répliqua Mélhora d'un ton sans appel.

— Mélhora, je sais que tu as développé un attachement particulier pour ce géant, mais ça ne signifie pas....

Les Six Lumières - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant