CHAPITRE 25 - La Pie blanche

227 23 11
                                    

Lorsque le convoi pénétra au cœur de Biblior, Lumenys eut l'impression de ne pas avoir assez d'yeux pour voir tout ce qu'il y avait à voir. À la différence des villes d'Hibernej, aux bâtiments rustiques plus ou moins similaires, et où tout était de toute façon recouvert de neige, Biblior foisonnait de couleurs, de textures et d'habitants. Les rues étaient toujours bondées, encombrées soit par les flux de passants, soit par les étales à l'air libre proposant toutes sortes de marchandises.

Même si tous leur cédaient le passage en les dévisageant de leurs yeux brillants, même si le bruit des conversations s'atténuait lorsque le prince entrait dans une rue, un brouhaha pressé ne cessait de flotter jusqu'aux oreilles de Lumenys. La plupart des lutins circulaient soit à pied, soit sur des capauvents : tout ce remue-ménage, malgré la largeur des rues qu'ils empruntaient,créait une impression de foisonnement et de fouillis très dépaysante.

Tous les bâtiments étaient construits en brique d'une belle couleur beige, mais les nombreux arches étaient prétextes à des ornements colorés, des mosaïques décoraient certaines façades – sûrement celles des plus riches – et des amas de tentures aux couleurs variées, du vert glacé au jaune solaire, paraient les murs, les portes et les échoppes.

Les neuf fés furent installées dans un bâtiment qui avait probablement été luxueux en son temps, comme en témoignaient les mosaïques dorées, les arches et les piliers délicatement sculptés, mais dont le caractère défraîchi montrait qu'il n'avait pas été utilisé depuis longtemps. L'inscription écrite en solilien et en gnosirien apprit à Lumenys qu'il s'agissait du palais des fés. Elle fut ravie de voir, comme le reste de l'équipe, qu'une série de chambres aux lits recouverts de draps chatoyants les attendait à l'intérieur.

Le prince de Parelthar resta avec eux jusqu'à leur installation et leur expliqua toutes les modalités de leur séjour. Il leur expliqua que toutes les bibliothèques de la ville, qui faisaient la renommée de Gnosirah, leur étaient ouvertes pour se détendre ou faire des recherches, y compris celles interdites au public. Il leur précisa cependant qu'ils seraient toujours accompagnés de quelques gardes à cause des gangs qui pourrissaient la ville.

Ilne s'étendit pas sur le sujet, mais Lumenys comprit à son front plissé et ses traits plus tendus que ces gangs étaient loin d'être un sujet anodin. Voilà d'ailleurs une chose que ses livres de cours ne mentionnaient pas. Mais après avoir affronté une avalanche mortelle, un phénix de feu et la Dolorine par deux fois, Lumenys se trouvait étonnement peu effrayée par cette menace potentielle. De toute façon, je voudrais bien les voir face à Eidana, Consilior et Stelias !

La journée étant trop avancée, et les fés trop épuisés pour se lancer dans des recherches au milieu de piles de bouquins, la soirée s'écoula dans le calme et la tranquillité. Lumenys plongea dans un doux sommeil cotonneux dès que sa tête toucha l'oreiller –l'oreiller !

Le lendemain, le groupe se scinda en deux pour se lancer à l'assaut des deux principales bibliothèques de la ville. Malgré les regards curieux que leur lançaient les lutins, les recherches et le trajet se passèrent sans aucun incident. Des lutins les suivaient silencieusement, prêts à intervenir à la moindre menace. La journée se résuma ainsi : des livres, des livres et encore des livres. Des pages d'écriture imprimées, voire manuscrites pour les plus entraînés comme Eidana. La Terrestre était dans son élément :ses yeux volaient d'une ligne à l'autre à la vitesse de l'éclair, ses mains maniaient les pages et le crayon avec une efficacité redoutable.

Mais cette journée ne fut couronnée d'aucune découverte fructueuse. Lumenys eut beau s'épuiser les yeux sur des dizaines de livres évoquant de près ou de loin la légende du lac Mnémosem, impossible de trouver quoi que ce soit de pertinent sur son emplacement. À la fin de la journée, elle ne put que se frotter les yeux et s'étirer dans un grognement en sentant tirer tous ses muscles.

Les Six Lumières - Livre IOù les histoires vivent. Découvrez maintenant