Les Six Lumières - Livre I

CHAPITRE 17 - Visite et légendes

Lumenys serait bien restée des heures de plus sur le matelas moelleux, enroulée dans un édredon doux comme une plume, lui-même recouvert d'une épaisse fourrure aux poils soyeux. Voilà des jours qu'elle n'avait pas aussi bien dormi... Mais c'était sans compter la discipline de fer de Stelias qui se fit un devoir de réveiller tout le monde au petit matin, n'hésitant pas à tirer d'un coup la couverture, à allumer une lumière aveuglante, et à rester au pied du lit jusqu'à ce que le concerné se lève. Mélhora dut se retenir de ne pas lui envoyer ses chaussures à la tête par télékinésie – sage décision, étant donné les capacités du Flamboyant.

— Bon, objectif du jour : obtenir les derniers renseignements dont on a besoin, et récupérer le matériel nécessaire pour avoir le maximum de chances d'atteindre les phénix avant de finir congelé, perdu ou mort de faim, résuma Consilior entre deux bouchées du pain épais qui leur servait de petit-déjeuner.

— Alors on va aller faire un tour chez cette fameuse Histor, conclut Héliane.

— En espérant que Varom ne nous ait pas survendu son utilité pour éloigner Eidana du prof d'histoire, lança Fidros, la bouche pleine. Pitié, faites qu'elle soit véritablement utile, pas une vieille dame un peu barrée qui radote sans cesse et ne sort de chez elle que pour nourrir les oiseaux !

— C'est pour ça qu'on ne va pas se contenter d'Histor : on va aussi aller demander de l'aide au professeur Kunsk. Stelias ira l'interroger.

— Mais hors de question que ce soit Eidana qui m'accompagne : la dernière chose dont j'ai besoin, c'est d'un nouveau numéro de drague, grommela l'intéressé.

— Je suis flattée que tu accordes autant d'importance à mon pouvoir de séduction, la taquina la Terrestre. Mais soit, je ne laisserai pas mon charme ravageur nous détourner de notre objectif : je ne devrais pas avoir trop de soucis avec une vieille géante...

Quelques instants plus tard, après avoir demandé l'adresse d'Histor une bonne dizaine de fois avant de recevoir le précieux renseignement, Eidana, Lumenys, Altyen et Coralya se trouvèrent enfin devant la porte de la maison de la vieille géante.

— À quoi ressemble sa maison, vous pensez ? demanda Altyen.

— À celle d'une vieille dame, donc rien de très intéressant, répondit Eidana avant de se mettre sur la pointe des pieds pour appuyer sur le bouton de la sonnette.

Le Terrestre n'était pas de cet avis : on parlait d'une géante, pas de n'importe quelle vieille fée, qui en plus se passionnait pour les mythes et les légendes ! Il imaginait bien un intérieur hétéroclite, assez désordonné, avec des cartes, des dessins, des objets insolites et des étagères débordantes de vieux grimoires... Un parquet grinçant, et une odeur de muguet fané. Chez les vieilles personnes, il y avait toujours une odeur de fleur fanée.

Personne ne répondit au coup de sonnette : aucun mouvement, aucun signe de vie de l'autre côté de la porte. Eidana appuya une nouvelle fois. Une minute. Deux minutes. Pas de réponse.

— Elle est sûrement sortie, soupira Coralya.

— Ou alors, elle est sourde comme un pot, avança Altyen.

Mais il en fallait plus à Eidana pour s'avouer vaincue. La Terrestre se mit à frapper plusieurs coups secs à la porte, puis attendit de pied ferme. Au moment où elle allait essayer de nouveau, le battant s'ouvrit sur Histor.

Appuyée sur une solide canne finement ouvragée, la géante se tenait si voûtée qu'elle faisait presque la même taille qu'Altyen. Si elle était d'ailleurs surprise de trouver trois fés à l'attendre devant sa porte, elle n'en montra rien. En même temps, difficile de discerner une expression quelconque sur son visage sinué de rides. Aucune lumière ne brillait au fond de ses yeux bleu délavé, qui semblaient recouverts d'un voile de brouillard. C'était presque à se demander si elle les avaient remarqués, et si la lueur du jour parvenait encore à percer les nuages qui obstruaient son regard. Sans un mot, elle s'écarta de l'entrée et tendit un bras vers la gauche pour les inviter à entrer.